jeudi 3 novembre 2016

Les Vieux de la Vieille : résumé, anecdotes et répliques cultes.


     Le film Les Vieux de la Vieille est tiré du roman éponyme de René Fallet. Alors que le roman se situait dans l'Allier, le film se situe en Vendée. L'adaptation en film a été faite par René Fallet, Gilles Grangier et Michel Audiard, qui a également écrit les dialogues.
     Jean-Marie Péjat, réparateur de vélo joué par Jean Gabin, et Blaise Poulossière, éleveur de cochon joué par Noël-Noël, habitent Tioune depuis toujours. Ne crachant jamais sur un verre de vin, ces deux vieux ronchons ne ratent jamais une occasion, pour rigoler, d'envoyer paître les autres habitants de leur petit village vendéen. Et ce jour là, la fête allait être complète pour eux, puisqu'un troisième compère, Baptiste Talon, retraité de la S.N.C.F joué par Pierre Fresnay, était de retour au village. De retour, oui et non, puisqu'il a pour projet de se rendre à l'hospice de Gouyette pour y couler des jours paisibles. Le père Malvoisin, un ancien cheminot habitant à Gouyette, lui a promis là-haut un litre de vin le midi et une chopine le soir, et le chauffage central.
     Après quelques bisbilles entre eux et avec les habitants du villages, les trois larrons décident finalement d'aller tous les trois à Gouyette. Mais l'hospice en question sera-t-il à la hauteur de leurs attentes ?

Lieux de tournage 
     Le village d'Apremont, en Vendée, est devenu pendant quatre mois Tioune, et la majeure partie des scènes y ont été tournées. Cependant, certaines scènes ont été tournées non loin d'ici, comme celle du cimetière, à La Chapelle-Palluau ou celle du terrain de foot, à Coëx. Le lieu des retrouvailles entre Catherine et les trois pépés  est le château de l'Audardière, à Apremont. Le bâtiment de Gouyette se trouve, lui, à La Chaize-Le-Vicomte.
     Alors qu'Apremont est aujourd'hui touristique, elle était à l'époque très rural : peu de voitures, beaucoup plus de carrioles avec des chevaux, peu de téléphone... L'équipe du film a tenu à faire travailler les gens du coin.
     Les principaux acteurs sont arrivés un mois avant le tournage, afin de d'imprégner de l'ambiance du village et du patois local. Jean Gabin habitait un bel hôtel sur le remblais des Sables d'Olonne. Pierre Fresnay avait loué une petite maison tout à côté de l'église d'Apremont, et Noël-Noël avait trouvé un hébergement discret dans les environs d'Apremont. 
     Noël-Noël a laissé au village le souvenir de quelqu'un de discret, sobre, très fin et impeccable dans son comportement ! Particulièrement sympathique aussi ! Pierre Fresnay était proche des gens du village et se faisait appeler par son prénom. Il vivait au milieu du village ! Jean Gabin était le bourru, mais gentil tout de même et très bon vivant !


     Témoignage de Gilles Grangier à propos du tournage :
     "Sur le plateau, il y a eu des moments extraordinaires. Il y a des scènes au bistrot que j'ai été obligé de tourner avec plusieurs appareils parce que je ne pouvais raccorder les gars. Ce n'était pas possible de leur demander de refaire les mêmes conneries. J'ai compris cela très vite et j'ai pris plusieurs caméras ce qui n'était pas l'affaire des opérateurs qui ne pouvaient éclairer convenablement.
Je faisais les scènes importantes le matin parce que nous avions des déjeuners très arrosés : c'est là que le vieux (Gabin) me disait en se levant de table : "Cet après-midi tu me prends de dos ! T'as-vu ma tronche ? Je suis rond comme une pelle à feu, papa, alors tu me prends de dos !"


Les meilleures répliques
L'église sonne, le livreur arrive au bar.
Le livreur : - Ben dites-donc, elle retarde votre patraque, là !
Un client : - Non, c'est l'père Guillaume qu'est en avance.
La serveuse : - L'père Guillaume, c'est notre sonneur. Il aime bien déjeuner à midi et diner à six heures. Alors, comme il habite à un quart d'heure de marche, il le prend en avance, son quart d'heure. Du moment qu'on l'sais, hein !
Le livreur : - Ben i f'rait beau qu'on voit ça par chez nous.
Jean-Marie : - Ben qui qu'c'est t'y qui vous empêche d'y rester par chez vous ? On vous d'mande t'y à quel heure elles sonnent vos cloches ? On s'en fout, nous. C'est t'y pas vrai, Blaise ?
Blaise : - C'qui s'manigance dans vos confins, non seulement on s'en fout, mais ça nous dégouterait plutôt.
Le livreur : - Qu'est-ce qui leur prend ? Qu'est-ce qu'ils ont ?
Jean-Marie : - Ils ont, ils ont qu'i sont chez eux. Pis qu'i n'ont plus l'âge de se laisser casser les sabots par des opinions étrangères et conifiantes. V'là c'qu'i z'ont.


Blaise, parlant de son fils : - I m'traite comme un vieux, et ça me fait malice. Et coucher tôt, et la tisane, et la flanelle... Boh... Et à table, le pinard, de l'eau dedans, comme si j'avais six mois. C'est pas d'ma faute si j'ai soixante-cinq ans. J'ai mis assez de temps pour les avoir.


Blaise : - Dis-donc, entre nous, c'était une belle femme, l'Adèle Talon.
Jean-Marie : - Oooh, l'était gracieuse, mais peau de pêche en dehors, peau d'hareng en d'dans, un caractère que ça a pas du s'arranger, va. On va bin trouver un moyen pour les faire fâcher.


Baptiste, en sortant du car : - Quand même. J'suis pas près de r'voyager dans c'te sacré cariole. Ça vient t'y les bagages ? Si j'avais pris le train, j'aurais au moins pu me dégourdir les jambes dans un couloir, et pis aller aux toilettes.
Le conducteur de car : - Vot' train, vot' train. Fallait l'prendre, vot' train.
Baptiste : - De mieux en mieux. Malpoli par dessus le marché. Y'a pas à dire, dans la vie, y faut toujours se fier aux apparences : quand un homme a un bec de canard, des ailes de canard et des pattes de canard, c'est un canard. Et c'qu'est vrai pour les canards l'est vrai aussi pour les p'tits merdeux.
Jean-Marie : - Bravo mon gars.
Blaise : - Bien dit, mon Baptiste.
Le conducteur de car : - Dites-donc, les gars, j'pourrais p'têt vous apprendre qui j'suis.
Jean-Marie : - Point la peine, l'Baptiste vient d'nous l'dire !


Blaise : - Note bien, y'a pas trop à rouspéter. L'âge de la retraite, tu l'as.
Baptiste : - C'est pas une question d'âge, c'est une question de capacité.
Blaise : - Beh justement. T'est t'y encore c'que t'étais ?
Baptiste : - Quatorze de tension, qu'on m'emmerde pas. Et des réflexes de conscrit. et un ciboulot comme neuf. Tiens, Jean-Marie, toi qu'est impartial, est-ce qu'on se prive d'un homme qui a parcouru pendant trente-cinq ans la ligne Pithiviers-Étampes-Pithiviers ? Pithiviers-Étampes-Pithiviers tous les jours. Vous savez t'y c'que ça fait ? Ça fait dix fois l'tour du monde.
Un client du bar : - Les voyages, on a beau dire. Y'a rien de tel pour voir du pays.
Un autre client du bar : - Beh j'pense bien. C'est pas les curiosités qui manquent.
Un autre client du bar : - Ah moi et ma femme, on en cause souvent. C'qu'ont aurait aimé connaitre, nous autres, c'est le temple d'Angkor. C'est rare, ça, le temple d'Angkor.
Jean-Marie : - J'pense bin qu'c'est rare, surtout entre Étampes et Pithiviers. J'voudrais point faire d'peine à personne, Étienne, mais plus con qu'toi c'est rare aussi.


Jean-Marie : - Les fêtes aux escargots, j'en n'ai raté qu'cinq dans ma vie : les années 14, 15, 16, 17, 18. Quand c'était qu'c'est qu'j'étais aux Dardanelles, et pis qu'aux Dardanelles y'avait point d'escargots. J'suis allé plus loin qu'Verdun et la Somme, moi. J'ai pas fait une guerre ed' feignant.
Baptiste : - Qui a fait une guerre ed' feignant ?
Blaise : - T'oserais insulter ceux qui ont péri sous les obus. Pendant qu'd'autres faisaient danser les moukères ? Fi’ d'garce !
Jean-Marie : - Cré vin dieu. Vous n'allez tout de même pas comparer vos bains de boue à mes turqueries...


Baptiste : - Depuis combien d'temps qu'il est veuf, eul' Blaise ?
Jean-Marie : - Eh beh, d'puis qu'la Marie s'est noyée.
Baptiste : - Elle s'est noyée ?
Jean-Marie : - Chez eux, dans la mare eud' la cour. Beh bien sûr. C'était en hiver, elle était en train de faire tremper un osier. Pis elle a glissé. floc, elle était dans l'eau. 'Fin, y'en a certains qui t'disent ça, et pis tu n'a d'autres qui t'disent que la Marie aurait été un p'tit peu poussée.
Baptiste : - Par qui donc ? Par qui donc ?
Jean-Marie : - Oooh, ben, vas-y donc savoir... En tout cas, j'peux ben t'dire que l'Blaise, il était pas trop heureux avec elle. Il a ptêt eu un r'flex ! Ben pis l'enseigne, tout costaud qu'il est, s'il lui prend l'idée d'aller tremper un osier, il aurait ptêt intérêt à pas trop s'pencher su' la mare. Ses tourmenteurs, eul' Blaise, c'est ptêt ben possible qu'il les ai pris dans l'ordre. Mais dis-donc, eh, tout c'que j'te dit là, c'est entre nous. Pas aller répéter, hein !
[Silence]
Jean-Marie : - Tu r'marqu'ras qu'j'ai confiance en toi. J'te dis ça au cas qu'toi, t'aurais des choses à me causer.
Baptiste : - J'vois pas... Non, j'vois pas...
Jean-Marie : - Tu vois pas ? Beh pourquoi c'est t'y qu'taleur, t'as pris le pétin quand l'Blaise et moi on t'a parlé de ta femme ?
Baptiste : - Vin Dieu d'fumelle. Si j'étais l'directeur du choléra, y'a longtemps qu'elle s'rait morte.
Jean-Marie : - Tiens, tu vois ? Te v'là r'partit ! Moi, à ta place, je m'soulagerais.
Baptiste : - Écoute, Jean-Marie. C'que j'va t'dire, c'est un s'cret, hein. Faut qu'tu m'jures qu'tu va pas l'répéter à personne.
Jean-Marie : - Ah beh bin sûr, qu'c'est juré. J'te l'jure... Tiens, j'te l'jure sur la tête à Poulossière.
Baptiste : - Ben à Pithiviers, y'avait un nom de Dieu d'putain d'p'tit trou du cul d'chef de gare...
[Scène suivante]
Blaise, en riant : - Ah ah ah, cocu par un chef de gare. Alors ça, mon poulot, ça c'est la meilleure. Faut r'connaitre que l'pauv' Baptiste, même dans ses vingt ans, il a jamais eu les succès qu'on a eu. Et qu'nous, on était des sacrés lapins.
Jean-Marie : - Oh ben, y sont un peu maximatosés, les lapins. Mais eh, Blaise, tous c'que j'viens d'te raconter, hein...
Blaise : - Ouai, oh...
Jean-Marie : - Ouai ben, jure le donc !
Blaise : - Tiens, sur la tête à Talon !


Jean-Marie : - Tiens, les fauves sont lâches !
Baptiste : - R'gardez-moi c't'engence...
Jean-Marie : - Et bin, mon cadet, y sont train de le herser ton pré. Y sont en train d'y passer les émousseuses, dans ton herbe.
Baptiste : - Ça, mes vieux gars, c'est ma mort... Et on les encourage, ces ravageurs !
Blaise : - Bin quoi, y faut bien qu'la jeunesse s'amuse...
Jean-Marie : - Bin voyons... Y sont bien mieux là qu'au bistrot. Y prennent l'air. Si j'te disais, mon Baptiste, qu'l'année dernière, rien qu'en comptant leu's avant-centres, leu's inters, pis l'gardien d'but qu'y z'appellent çà et bien y z'ont eut un tibia, une rotule ed' cassée, puis une fluxion d'poitrine... Tu n'vas pas m'dire qu'on avait ces rendements-là avec l'picon-citron.

Blaise : - Vin Dieu la belle église !
Jean-Marie : - Y'a un Jésus, mes cadets ! Y'a un Jésus !

L'arbitre : - Et bien, messieurs... Qu'est-ce qui s'passe ? Qu'est-ce qu'y a ? Vous avez caché le ballon ? J'vous préviens, messieurs, que j'suis arbitre fédéral.
Jean-Marie : - Vous êtes t'y anglais ?
L'arbitre : - Bein, non...
Jean-Marie : - Bon, bein, pour moi, un arbitre qui n'est pas anglais, c'est rien de moins qu'un tcho merdaillon en culotte courte qui joue avec un sifflet. Allez donc mettre un pantalon long, jeune homme.


Un joueur : - Bon, alors, les gars, si on n'trouve rien dans l'jardin, y'a qu'à aller fouiller dans le bric-à-brac.
Jean-Marie : - Le premier qui s'aventure dans l'entrepôt ou dans les coursives, je l'tire comme un lapin. J'ai un coup de 7 à droite, un coup de 5 à gauche. J'vais en faire un doublé d'connards.
Baptiste : - Mollis pas, Jean-Marie. T'as la loi pour toi.


Jean-Marie : - Hooooooooo, vous l'entendez dire çà, mes vieux gars ? Cré bon dieu de veau. Si on l'avait su qu'on nous causerait comme çà, on aurait fait exprès de la perdre...
Un client : - De perdre quoi ?
Jean-Marie : - La guerre d'14.


Jean-Marie : - Une mèche qui foire, on s'disait rien. Ben moi, j'réponds à ça : les mauvais ouvriers ont des mauvais outils. Parce que j’va vous dire une chose, jeunes gens ! Faut ben compter 20 ou 30 ans pour savoir se servir d’une chignole et encore, quand c’est qu’on est doué ! C’est pas un reproche, ça fait partie d’un ensemble ! Parce que si y’a pu de bons ouvriers, j’va vous dire à qui qu’c’est la faute, moi ! C’est la faute aux assurances sociales ! A c’t’heure, les gars, pour un rhume, y s’mettent en congé maladie ! Ou ben, pour un point de côté, ils font une cure qu’ils appellent ça ! Si la mèche eud'ma chignole à moi le Peujat, elle a pas cassé en 40 ans de métier, dites vous bien que c'est point par hasard.


Jean-Marie : - Et bin, j'dis que quand c'est qu'on est vieux, on sait quand c'est qu'on se baisse mais on sait pas quand c'est qu'on se relève.


Blaise, essayant tant bien que mal de remplir un formulaire : - C’est pas les yeux qui sont mauvais. C’est les bras qui sont trop courts.


Baptiste : - Je m'demande pourquoi qu't'as apporté des fleurs, vieux marteau ?
Blaise : - Parce qu'on passe devant le cimetière, et j'veux pas partir sans dire au revoir à la Marie.
Baptiste, à Jean-Marie : - Dis-donc, toi qu'avait dans l'idée de rire un peu sur la route, v'là qu'ça commence par l'cimetière.
Baptiste, à Blaise : - T'aurais p-têt mieux fait d'y porter des nénuphars, ça y aurait rappelé des souvenirs, à la Marie (en référence à la femme de Blaise, noyée dans l'étang).
Blaise : - Qu'est-ce tu viens d'oser d'dire là ? Hein ? Vilain Cocu !
Baptiste : - Sale ventre-à-choux. Comment qu'tu m'as appelé ?
Blaise : - J'ai dis qu'ton Adèle, y'a qu'le train qui y était pas passé dessus !
Baptiste : - Retire ça tout de suite, ou bien ton cimetière tu vas le visiter en client.
Jean-Marie : - Z'allez point vous battre, non ? Qu'la Marie soit allé un peu vite dans l'trou, c'est ptêt une affaire entre l'Blaise et l'Diable.
Blaise : - Quoi ?
Jean-Marie : - J'ai dit p'têtre. Qu'ça nous empêche pas d'aller y porter des fleurs. Ben pis dans l'même temps, on ira dire au r'voir à nos vieux copains : l’Émile, l'Antoine et pis l'Thomas Lapoelle. Cré bon dieu, c'te cimetière-là, c'est nos vingt ans, quoi !


Blaise : - Alors, tu vois, la Marie, ça y est, j'pars à Gouyette. Si t'étais pas partie, j'y partirais pas. Mais, puisque t'es partie, j'y pars. J't'ai apporté des mimosas. je sais qu't'aimais pas beaucoup ça mais j'ai rien trouvé d'autre. J'pouvais tout de même pas t'apporter un chou-fleur. 
Baptiste : - Vise-moi l'hypocrite. I' s'fend la pipe devant sa pauv' femme, eul' bon Dieu d'nom de Dieu d'mécréant, va !
[Il crache]
Jean-Marie : - Oh ben, t'as point honte eud' cracher d'vant les morts, Baptiste ?
Baptiste : - Oh beh celui-là, c'est ce fumier de Léonard Cachot. J'ai fait les foins chez lui, y' n'donnait qu'du cidre. Et encore, du cidre coupé. Autant dire, d'la boisson...
Blaise : - J'y ai dit, à la Marie, que j'partais pour Gouyette. C'est pas tout ça, mais où qu'elle est la tombe à l’Émile ?
Jean-Marie : - Ben j'sais pas, mais l'Baptiste, il a craché su' l'pauvre Léonard.
Blaise : - T'as bien fait. Ça lui f'ra un souv'nir de son cidre, à c'voyou !
Baptiste : - Ah, tu vois !
[...]
Blaise : - Ah, c'était un homme, l’Émile Gâton.
Baptiste : - Il était d'ma classe.
Jean-Marie : - Oh, ben, l'était un rude cadet. C'est lui qu'avait arrangé la mère Gobillot sur une berrouette
Baptiste : - Sur une berrouette ?
Jean-Marie : - Oui mon gars, sur une berrouette ! Même qu'après leu' cabrioles, ils avaient cassé la roue. Bah, à c'temps-là, les gars, c'était des vaillants, hein !


[Voyant un jet de terre sortir d'un trou, dans le cimetière]
Blaise, en criant : - Aaah, aaah, les vieux gars...
Baptiste : - Beh qu'est-ce qui lui prend, à çui-là ?
Blaise : - L'bon Dieu nous a entendu, y'en a un qui s'lève !
Baptiste : - Où ?
Blaise : - Là !
[Jérôme Ardouin, le fossoyeur, sort alors du trou]
Le fossoyeur : - Ça va t'y pas bintôt finir ? Bande de vandales ! C'est pas un bistrot, ici. V'là plus d'une heure que j'vous entends gueuler comme des sarrasins !
Baptiste : - Eh, l'poulot, faut pas t'agiter, c'est l'Jérome Ardouin.
Jean-Marie : - Dis-donc, toi, quand c'est qu'on fait l'métier q'tu fais, on aurait intérêt intérêt à plutôt causer moins fort. Parce que quand on mis sous terre des Courtines et des Gâton, bah faut être un franc saligaud !
Le fossoyeur : - Quoi ?
Jean-Marie : - C'est t'y pas toi qui les a mis où qu'i's sont, nos conscrits ? C'est t'y pas toi, vautour ?

Les Vieux s'en vont, les jeunes prennent la relève !

[En rencontrant des touristes égarés, sur la route.]
Un automobiliste : - Dites-moi, mes braves, vous êtes du pays ?
Jean-Marie : - Ben, quoi qu'çà peut y foutre ?
Blaise : - C'est des touristes, y doivent faire la Vendée.
Baptiste : - Y n'ont qu'à la faire en chemin de fer. Avec le train tu prends un billet pour un endroit, t'arrives à c't'endroit et t'emmerde personne.
Un automobiliste : - J'voudrais aller à Tioune. C'est pour voir les curiosités du coin.
Jean-Marie : - Ben y'en n'a plus. Elles sont en marche, les curiosités.
La femme de l'automobiliste : -  Et pour bien voir le château, faut aller par là ou par là ?
Blaise : - Vous pouvez passer par là et par là. C'est tout droit.
Baptiste : - Tout droit, tout droit... C'est vite dit ! Tout droit, ça descend trop. Vous feriez mieux de passer par là.
Jean-Marie : - Il a raison. Comme ça, vous passez par eul' centre du bourg. Pis vous voirez la mare du crime.
Blaise : - Fait attention à ce que tu vas déconner, Jean-Marie !
Baptiste : - La mare où un nommé Poulossière a poussé sa pauv' femme par une nuit sans Lune.
Blaise : - Langue de vipère !
Jean-Marie : - Ah pis c'est tout frais. Ça r'monte à juin dernier !


Le conducteur de car : - Ah, c'est vous !
Baptiste : - Qui c'est qui vous a d'mandé d'vous arrêter ? A c't'heure, on traque le promeneur paisible ? C'est du racolage, ça.
Le conducteur de car : - Beh je m'suis arrêté parce que vous m'avez fait signe !
Baptiste : - Moi... ? J'aimerais mieux marcher de Charente jusqu'au Tibet que de d'mander à un foutriquet de routier de m'prendre dans sa carriole.
Le conducteur de car : - Et bien, méfiez-vous. Parce que si j'vous revois, moi, j'vous écrase. Et puis, j'n'ai pas d' temps à perdre: il faut que j'aille jusqu'à Aizenay.
Baptiste : - Si vous y allez aussi vite que j'vous emmerde, pour une fois, vous serez en avance sur l'horaire.



Jean-Marie : - Dites donc: vous n'avez point le droit de r'fuser d'servir. Moi, j'ai fait 10 kms sans boire. D'abord, c'est une question d'humanité.
Le patron du bistrot : - Foutez-moi le camp !
Jean-Marie : - Bon, bein… J'vous préviens: j'vais porter plainte à la croix-rouge.


Jean-Marie voit un gendarme avec sa chaine de vélo à la main.
Jean-Marie : - Beh quoi c'est t'y qu'y a ?
Le gendarme : - J'viens d'pêter ma chaine.
Jean-Marie : - Hoo, c'est point étonnant. C'est une Zodiak.
Le gendarme : - C'est pas une bonne marque ?
Jean-Marie : - Bin, c'est d'la pourriture. Bin, c'est comme vot'vélo. D'abord, y en qu'une de marque, c'est l'Hirondelle, le reste, c'est d'la merde en tube... Tiens, vot' clou-là, c'est d'l'aciérie. J'suis sûr qu'ça a été monté par des polonais. C'est pas pour médire des étrangers parce qu'en n'a qui s'y connaissent : les suisses, les italiens, y sont pas bons pour la guerre. Mais, pour l'vélo, y s'y connaissent. Les polonais, c'est d'bons soldats, mais, pour l'vélo : pffffffff...
Le gendarme : - Vous m'avez drôlement fort en histoire et en géo. Seulement, ce n'est pas avec la géographie que je m'en tirerais.
[...]
Le gendarme : - C'est quand même mieux d'être du métier.
Jean-Marie : - Ah ben ça, pour trouver un spécialiste comme moi en Vendée, faut au moins aller dans les Deux-Sèvres, si c'est point en Charente.


Jean-Marie : - On est perdus, on est perdus... on est égarés. Si seul'ment y faisait nuit.
Blaise : - Ah bin, ça s'rait complet.
Jean-Marie : - Hoooo, je me repérerais à l'étoile polaire.
Blaise : - Baptiste, fout z'y un coup de pied. Moi, j'ai plus la force.
Jean-Marie : - Puis, si l'étoile polaire elle suffit pas, j'me guiderai sur la mousse des arbres. Ça indique eul'nord.
Baptiste : - L'nord, on s'en fout. Gouyette, c'est à l'ouest.


Blaise, devant Gouyette : - Baptiste, rentre pas la-d'dans. C'est le Cayenne des vieux, Baptiste !


La Mère : - Voilà deux jours qu'on vous cherche partout !
Jean-Marie : - Beh on était égarés dans les bois. Ça peut bin arriver, non ?
La Mère : - Égarés ?
Jean-Marie : - Oui.
La Mère : - Dans les cafés des environs. Nous sommes au courant.
La Mère, à Blaise : - Qu'est-ce que c'est que ce bidon ?
Blaise : - Un souvenir de la Guerre de 14-18.
La Mère : - C'est de l'alcool ?
Blaise : - Oui.
La Mère : - Interdit.
La Mère vide le bidon du Blaise.
Blaise : - Oh, les vieux gars, de la gnôle qu'a quinze ans de fût !
Baptiste : - Mademoiselle.
La Mère : - "Ma Mère", si ça ne vous fait rien !
Baptiste : - Ma Mère ? Ben ma Mère, je tiens à vous signaler que nous sommes ici avec recommandation. Je suis un amis personnel de Gaspard Malvoisin.
La Mère : - Le pauvre Monsieur Malvoisin est mort.
Jean-Marie : - Oooh !
La Mère : - Il y a trois mois.
Jean-Marie : - Il est mort, Malvoisin ? Ben nous manquait plus qu'ça, les gars.
[...]
Jean-Marie : - Beh ça y est, on est piégés, mes vieux gars...


Blaise : - Beh qu'est-ce que c'est qu'c'te soupe ? C'est pas d'la soupe, c'est d'la flotte, dis, toi, hé !
Baptiste : - On peut p'têt plus casser des noix avec, mais on a 'cor des dents, vous savez. Beh j'croyais d'après mon ami Malvoisin qu'on avait droit au pinard.
La sœur : - Un litre par semaine.
Baptiste : - Abus de confiance, obscurentisme. Vive la laïcité.
Jean-Marie : - Ah beh à c't'heure, on sait d'quoi il est mort, eul' pauv' Malvoisin. Il est mort bin d'soif.
Baptiste : - Il est même mort en état de pêché mortel avec les menteries qu'il m'a faite.