lundi 17 octobre 2022

Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil : script intégral.

 


(Dans un bordel en Amérique du Sud)

Gerber
- Je suis sur un coup important..
L'autre journaliste
- Moi je suis sur un coup... vachement important

(Gerber s'en va...)
Chanson :
O CHE O CHE.

Quand le soleil paraît maussade
Lassé de s'être levé tôt
Les ombres le long des palissades
Sont brillantes comme des couteaux
Quand la lune fait triste mine
Qu'elle a l'oeil terne et le teint gris
Et dans sa pâleur on devine
Qu'elle vient de passer la nuit.
De l'aube jusqu'au crépuscule
Si les frères sont rassemblés
Chantent ensemble les groupuscules
Les héros de la liberté.

O Che O Che O Che O Che
Ou Marx ou Lenine
O Che O Che O Che O Che
Fidel ou Mao
O Che O Che O Che O Che
Ou Marx ou Lenine
O Che O Che O Che O Che
Fidel ou Mao

Lorsque la montagne et la plaine
Ne sont plus du même pays
Que les cris, les chants, les haines
Ont laissé la place aux fusils
Lorsque le seul drapeau qui compte
N'est plus qu'une couleur dressée
Le rouge qui lave la honte,
Le rouge de l'égalité.
Alors qu'importe la souffrance,
Les frères morts de son côté La guerre chante l'existence
Des héros de la liberté

O Che O Che O Che O Che
O Marx ou Lenine
O Che O Che O Che O Che
Fidel ou Mao
O Che O Che O Che O Che
O Marx ou Lenine
O Che O Che O Che O Che
Fidel ou Mao


(Au terme d'un long voyage, Gerber est conduit après des rebelles de Ricardo Salinas)

(Pendant ce temps, l'autre journaliste dans un décor de rêve et entouré de ses vénales conquêtes enregistre son reportage.)


Le journaliste (à la fille près de lui)
- Silencio !... (Il branche le magnétophone et se saisit d'un micro)
Ici Jean-Marc Audibert qui vous parle depuis San Maria Martha point chaud de la Cordillère des Andes où Ricardo Salinas, le nouveau maître à penser de l'Amérique latine, a établi son quartier général. Hier matin de très bonne heure, j'ai quitté l'hôtel crasseux dans lequel je me trouvais avec des confrères journalistes. Je ne vous parlerai pas des tractations qu'il m'a fallu entreprendre ni des complicités qu'il m'a fallu obtenir, je ne peux trahir ceux qui m'ont aidé. Je suis au coeur de cette sierra nevada au milieu de mes nouveaux amis les guerilleros de Ricardo Salinas. Oui, tout à l'heure,Ricardo Salinas me recevra. Pourquoi n'est-il pas à mes côtés en ce moment ? La réponse vous pouvez peut-être l'entendre...
(Il met en marche un second magnétophone qui diffuse le bruit de rafales de mitraillettes)
Le journaliste
- Ces coups de feu, ces rafales qui trouent le silence de la jungle vous disent qu'actuellement sous mes yeux les troupes de l'armée régulière s'affrontent avec Salinas et ses hommes. Comme si la cruauté qui gouverne ce qu'on appelle ici l'enfer vert, les serpents, les tigres, les moustiques, la malaria... que sais-je encore... ne suffisaient pas, il faut en outre que ces hommes se battent contre des soldats pour leur liberté. (Dans une habitation isolée, Gerber interroge Salinas et ses hommes, qui lui disent en espagnol qu'ils font la révolution en suivant les préceptes du Che. A la fin de l'entretien, Gerber range son magnétophone à bande mais Salinas lui fait comprendre qu'ils vont garder l'appareil.)

Salinas (en espagnol)
- Je pense que nous ne nous reverrons plus.
Gerber (en espagnol)
- Peut-être à Paris quand vous viendrez en visite officielle.
(Abandonné en pleine cordillère, Gerber doit rentrer à pied)
(Gerber arrive à l'aéroport d'Orly où il est accueilli par Aurélien Mouzeran, un confrère)

Gerber
- Eh bien, c'est pas les tropiques ici
(Ils montent dans une voiture aux couleurs de Radio-Plus qui démarre)
Mouzeran
- Alors qu'est-ce qu'il t'est arrivé pour que tu rentres si tard ?
Gerber
- Bah, tout un tas de salades... J'ai rencontré des mecs, seulement ils m'ont gardé le magnéto, la bande et tout et je suis rentré en stop.
Mouzeran
- Oui... Et tous les copains des autres stations sont rentrés il y a deux jours... alors ils en parlent tous et nous, rien du tout... Alors tu te rends compte...
Gerber (avisant des affiches publicitaires sur le bord de la route)
- Qu'est-ce que c'est que ces conneries ?... Arrête-toi voir... C'ets pas vrai...
Mouzeran
- T'es pas au courant c'est vrai... Nouvelle idée de Plantié depuis trois jours... Jésus, roi de la station... A tous les étages et sous toutes ses formes... En affiche, dans les chansons, dans les messages publicitaires, dans les feuilletons, partout...
Gerber
- Ah !
Mouzeran
- Et oui !...
Le chauffeur
- Et attends, tu n'as rien entendu encore...
Speakrine (dans la radio)
- Et au commencement Dieu aurait créé Odornet s'il avait connu la chlorodicétinénomylase qui détruit les odeurs corporelles. Mouzeran
- Jésus est là... On est visité, on est visité... Y en a même un sur le capot de la voiture, t'as qu'à regarder...
(Dans le hall d'entrée de Radio-Plus, un couturier regarde les robes d'hôtesses qu'il vient de faire réaliser
Le couturier
- Non vraiment, je n'arrive pas à me décider alors...
(Avisant l'animateur Sylvestre Ringeard)
Le couturier
- Ah monsieur Ringeard... Voilà les modèles que monsieur Plantié m'a commandés
Ringeard
- C'est monsieur Plantié qui vous a commandé ces robes d'hôtesses ?... Eh bien mes enfants, elles sont superbes !... Splendides ! Splendides !
(Entre Plantié le directeur de la station)
RIngeard
- Bonjour monsieur Plantié...
(Plantié s'arrête, jette un coup d'oeil aux hôtesses)
Le couturier
- Voilà les modèles que vous m'avez commandés
Plantié
- Ah oui ?! Et bien permettez-moi de vous dire que c'est exactement consternant ! C'est lugubre ! C'est sinistre !... Il faut quelque chose de jeune, quelque chose qui éclate !... Qui soit plein de couleurs, de lumière !...
Ringeard
- Mais oui, vous avez raison monsieur Plantié... Bien sûr... Mes enfants, je vous l'avais dit. C'est sinistre, c'est lugubre, c'est consternant... Vous voyez, il faut quelque chose de jeune, qui éclate, plein de couleurs...
Plantié
- Voilà !... J'en profite mon petit Ringeard pour vous dire que je suis extrémement content de vous... Je ne sais pas comment vous vous organisez...
Ringeard
- Moi non plus...
Ils quittent le hall par le grand escalier en discutant (Gerber arrive au siège de Radio-Plus)

Gerber (au chauffeur qui reste dans la voiture)
- Je laisse mon sac... J'en ai pas pour très longtemps... On n'est pas obligés de faire une génuflexion en rentrent non ?...
(Il entre dans le hall d'accueil de la radio. Une grande affiche "Radio-Plus. Plus près de Dieu" barre l'entrée)
L'hôtesse d'accueil
- Oh Christian !... Ca va ?
Gerber
- Ouais. Dis donc, c'est le Vatican maintenant ici...
L'hôtesse
- La dernière idée de Plantié... Il paraît qu'il veut nous foutre en enfant de choeur ce con-là...
Gerber
- Ca t'ira très bien... Dis donc, il faut mettre de la flotte dans ta bulle, ça fera bénitier...
(Il monte à l'étage)
Une secrétaire
- Oh monsieur Gerber...
Gerber
- Ca va ma petite poule ?...
(Gerber remonte un couloir. La caméra s'attarde sur le bureau du responsable de la programmation musicale.)

Une secrétaire (déposant un disque 45 tours sur le bureau du responsable)
- Voilà c'est le petit dernier...
Le responsable
- Encore une belle cochonnerie... (Il fouille dans la pochette, y trouve un chèque qu'il glisse dans sa poche) Tiens, les filles, c'est pas mal ça...
(Gerber remonte un couloir et rencontre deux journalistes de la station

Premier journaliste (en serrant la main de Gerber)
- Tiens Gerber...T'as bonne mine dis-donc
Gerber
- Vous êtes toujours content de ce que vous vendez, vous...
Chroniqueur hippique
- Quand on vit avec Dieu on est toujours content...
(Gerber rentre dans la régie d'un studio)

Gerber (faisant un signe de croix)
- Mes biens chers frères...
Le réalisateur
- C'est pas vrai... Qu'est-ce que vous êtes beau mon frère !...
Gerber
- Dis donc, on vend du bon Dieu partout ici...
Le réalisateur
- Oui sans arrêt... T'as remarqué ?
Gerber
- Si j'ai pas remarqué... Y en a sur les murs, sur...
Le réalisateur
- Les pubs c'est pas mal non plus... Tu vas voir, on va en passer une bonne... (A l'animatrice dans le studio) Attention coco on est trop long, je shunte et c'est à toi... Vas-y...
(Zoom sur la speakrine dans le studio)

La speakrine
- Dieu existe partout... Dans la musique, dans la nature, dans les parfums, dans les couleurs... Dieu aime la beauté, Dieu vous aime... Il aime vos cheveux donc il aime le shampoing Sansom Color au Procédicédicilase de calcium régénéré. Sansom Color le shampoing qui fait que vos cheveux plaisent à Dieu...
Le réalisateur
- Ben voilà...
Gerber (en riant)
- C'est pas vrai !... Ah les cons !...
(Gerber entre dans la salle de rédaction de la radio)

Un journaliste
- Alors, les guerilleros ?...
Thomas
- Alors tu t'en es fait combien ?
Un autre journaliste
-Tu en as repris trois fois ?
(Gerber entre dans le bureau du rédacteur en chef)

Le rédacteur en chef
- Bon... Tu as donné ta bande à la technique ?...
Gerber
- J'ai pas de bande...
Un journaliste
- Quoi ?!
Le rédacteur en chef
- Comment tu as pas de bande ?
Gerber
- J'ai pas de bande... Je le ferai en direct, c'est pas une affaire...
Le rédacteur en chef
- Ca m'aurait étonné...
Une speakrine (qui entre)
- Bon les enfants...Bande ou pas bande, on y va... Dans cinq minutes
Le rédacteur en chef
- Oui, ça va, on y va... Bon, les enfants, c'est pas le moment de glander...
(Ils se lèvent et sortent) (Ils arrivent dans le studio du journal)
Le rédacteur en chef (en avisant la speakrine)
- Allez vire tes miches et laisse-moi m'asseoir... Mais magne-toi !
Un journaliste
- Non tire-toi de là, c'st mon trône ça !... Dis donc, ton ramage c'est pas mal mais le plumage... (il lui met la main aux fesses)
La speakrine
- Mais arrête !... T'es chiant ! Tu peux pas arrêter cinq minutes d'emmerder le monde
Gerber (prenant la speakrine dans ses bras)
- Sois pas vulgaire avec ma soeur... Il lui faut de la douceur (il la prend dans ses bras et commence à la peloter)
Le rédacteur en chef
- La porte, merde !!!
Un journaliste
- Oh ben ça va là... Pourquoi lui il a le droit ?...
Gerber
- Je suis pas grossier moi...
Le réalisateur
- Mes enfants, mes enfants, on enchaîne là... Enfin quand la partouze sera finie... Dépêche-toi, tu as encore une pub là... Dépêche-toi, dépêche-toi, j'ai plus de musique là...
La speakrine
- Jésus multipliait les pains... Vous, vous pouvez multiplier votre capital grâce à la Banque d'escompte pour l'aviation et l'industrie... La Banque d'escompte pour l'aviation et l'industrie a mis au point un système qui vous permet de faire fructifier votre avoir... 850 agences en France... Croissez et multipliez a dit le Seigneur. Votre capital croîtra et se multipliera grâce à la Banque d'escompte pour l'aviation et l'industrie.
(on lance le jingle de Radio-Plus)
Radio-Plus 13 heures... Le journal présenté par Jean-Christian Ponquin. Le rédacteur en chef
- Inde, ça va pas fort... Afrique, c'est instable... Israël, le conseil de sécurité va se réunir... Amérique du Sud, ça n'est pas le Pérou si j'ose dire... Seuls de toute la presse radiophonique nous n'en avons pas parlé... Nous attendions notre rédacteur en chef adjoint Christian Gerber qui était depuis un mois sur place... Christian Gerber, des précisions...
Gerber
- Des précisions surtout sur la anière dont ont fonctionné nos collègues de la presse radiophonique... Je peux vous dire que tout ce qui a été rapporté sur les guerilleros de Ricardo Salinas est faux. En effet, les reportages qui ont été ramenés par nos collègues sont entièrement bidonnés. Et personne n'a vu Ricardo Salinas sauf moi je dois le dire, et ça a quand même été relativement dangereux... Ce que je voudrais préciser c'est que ces guerilleros ne sont pas des bandits moyenageux attaquant les diligences mais des patriotes sincères fidèles à la pensée du Che Guevara... Seulement ça, nos confrères déjà cités ne peuvent pas le savoir ... (On passe dans le bureau de Plantié qui écoute l'émission)
Plantié
- Il est fou !... Complètement fou !
(Le téléphone de Plantié sonne)
Plantié
- Oui président... Oui, président, j'entends comme vous... Bien sûr, c'est dangereux... Bien sûr, je m'en occupe tout de suite... Au revoir président... (à un acollaborateur) Allez cueillir Gerber à la fin du journal et envoyez-le moi tout de suite...
(Retour dans le studio du journal)
Gerber
- Dans notre métier, il doit y avoir une seule loi, une seule règle... La vérité... Mais malheureusement c'est de plus en plus rare...
Le rédacteur en chef
- Oui.. euh eh bien... merci Christian Gerber... Dans quelques instants la suite de notre journal, mais d'abord une page de publicité...
Une nouvelle speakrine (pendant que Gerber quitte le studio)
- Aux noces de Cana, Jésus demanda que fussent servis en premier les bons vins, puis les mauvais... Si les noces de Cana se déroulaient de nos jours, il n'y aurait que de bons vins... Les vins de la treille ardente... Naturels, fruités, parfumés...Les vins de la treille ardente... Prenez et buvez en tous car ceci est du vin. (Gerber entre dans le bureau de Plantié qui est en train de jouer avec un gadget à deux boules)
Plantié
- Entrez
Gerber - Qu'est-ce que vous nous préparez ?... Radio-Plus plus près du gadget ?.. Alors, on a d'abord été plus près de la femme, plus près des jeunes, plus près de la nature, plus près du couple, plus près du sexe et maintenant on est plus près de Dieu...
Plantié
- De Dieu Gerber... De Jésus surtout... Il faut vivre avec les modes de son temps... Ca éclate de partout... Jésus-Christ superstar... Des posters, regardez ça...C'est l'évidence, ça se discute pas ça... Des enveloppes de disques, des autocollants,des badges... Des badges...
Gerber
- Ah oui mais vous croyez qu'en radio ça va marcher ça ?...
Plantié
- Je crois à ce qui est dans le vent, Gerber... Je ne suis pas, je ne suis pas un sceptique perpétuel comme vous... Mmm... Jamais, jamais je ne vous ai vu prendre une seule de nos campagnes au sérieux... Vous n'avez pas du tout l'esprit station, Gerber. Vous travaillez en franc-tireur... Je reconnais qu'une fois ou deux sur des points très précis ça a été efficace mais moi je ne peux pas me contenter de petits points précis, Gerber.... Comme de ce qu'il était question dans votre petit discours sur le Che Guevara tout à l'heure... J'ajoute, j'ajoute que vos explications sur les guerilleros ne m'ont pas du tout convaincu et que vos attaques contre les confrères n'ont pas du tout plu non plus au président qui vient de me téléphoner... Il ne faut pas exagérer, Gerber, parce que un de ces quatre...
(l'assistant de Plantié entre et apporte une boite)
L'assistant
- Le président vient de vous faire envoyer ceci...
Plantié (à l'assistant qui ne sort pas assez vite à son goût)
- Bon ben ça va oui... La voilà la réaction du président, Gerber... (il sort un crâne de la boite)
Gerber
- Qu'est-ce que c'est ?
Plantié
- C'est votre tête, Gerber... (Plantié s'approche d'un petit placard) Vous parliez de gadget tout à l'heure, le président adore les gadgets... C'est toujours par ce moyen qu'il me prévient quand il souhaite qu'un de nos collaborateurs nous quittent... (Plantié ouvre le petit placard... Un mouvement de caméra suit l'alignement de crânes... Plantié y ajoute celui de Gerber)
Gerber
- Alors j'suis viré ?...
L'interphone
- Monsieur le directeur, votre femme monte...
Plantié
- Nom de Dieu !... Ma femme, vous êtes sûre ?...
L'interphone
- C'est ce qu'elle a dit...
Plantié
- Fallait pas la laisser monter... Oh là là là là là là là là... Ooooh... Faut pas qu'elle me trouve ici, elle est fichue de me tuer... (à Gerber) Ecoutez mon vieux, soyez gentil... Faites quelque chose pour elle... Dites-lui n'importe quoi, dîtes-lui que vous assurez mon interim... Je sais pas moi... Je vais me cacher dans mes toilettes...
(Plantié se sauve dans ses toilettes... Gerber ramasse les posters et la boite du crâne sur le bureau, ouvre la porte des toilettes et les balance à Plantié)
Gerber
- Tenez, ça éclate de partout !... (il referme la porte)
(La femme de Plantié entre en furie dans le bureau en brandissant une paire de ciseau)
Mme Plantié
- Où est cette ordure ?
Gerber - Quelle ordure ?... Vous êtes dans une station de radio... Il n'y a pratiquement que ça...
Mme Plantié
- Plantié, mon mari... C'est pas une ordure p't'être ?!... Je vais lui trancher la gorge, je vais le lacérer...
Gerber
- Vous allez le lacérer avec ça ?... (il lui prend la paire de ciseaux)
Mme Plantié
- Mais rendez-moi ça... J'en ai besoin pour lui régler son compte à ce salaud...
Gerber
- Calmez-vous, calmez-vous, asseyez-vous... Et puis on va s'entendre tous les deux, hein ?... Vous avez peut-être eu un petit différent, c'est pas grave...
Mme Plantié
- Oh non !... Pas un petit différent ! Il m'a fait enfermer pendant trois mois... Il voulait me faire passer pour folle... Mais j'suis pas folle !!!
Gerber
- Bien sûr que non... Faut vous calmer, racontez-moi tout ça...
Mme Plantié
- Ben voilà docteur... J'étais alcolique, on m'a désintoxiquée... Mais c'est lui qui m'avait fait devenir comme ça... Avec tout ce qu'il m'avait fait subir... Et puis comme il voulait pas payer le loyer de mon studio et me donner un peu d'argent, il voulait me faire enfermer à l'asile. Le salaud ! Le salaud ! (elle montre une affiche sur le mur du bureau) Ah, ah, il peut parler de Dieu tout le temps dans sa radio pourrie, hein le fumier... Mais il peut mettre des Jésus partout, ça n'empêche pas que c'est un fumier... Je vous jure que c'est un fumier...
Gerber
- Mais je vous crois, je sais bien que c'est un fumier... C'est même le plus grand fumier de tous les fumiers... Vous allez pas vous mettre dans un état pareil pour un fumier... Regardez-moi, vous êtes jeune, vous êtes mignonne
Mme Plantié
- Oui, c'est vrai ?...
Gerber
- Bien sûr que c'est vrai...
Mme Plantié
- Mais qu'est-ce que je vais faire moi ?... J'étais comédienne quand j'ai rencontré Plantié...
Gerber
- Eh bien vous allez redevenir comédienne...
Mme Plantié
- Mais moi j'ai pas gardé les contacts... Plantié voulait pas, je connais plus personne...
Gerber
- Moi je connais du monde, hein... Je veux bien vous aider mais vous me promettez de ne plus lui courir après, de vouloir l'assassiner... Est-ce que vous connaissez Marcel Jolin ?...
Mme Plantié
- Non, qui c'est ?
Gerber
- Marcel Jolin, il était animateur ici... Il a été viré en... (Gerber se lève du bureau et va vers le petit placard qu'il ouvre, jette un coup d'oeil dedans) 61... Depuis il dirige le TIP, le Théâtre Interurbain Populaire... Il monte Brecht, il monte Ionesco... Il a besoin de gens, un visage intéressant comme le vôtre, ça lui plaira sûrement... Je vous fais un mot sur une carte à Plantié...
Mme Plantié
- Ah non, pas ce fumier...
Gerber
- Ah non ! Ah non, non, non, non !... Allez, allez... Moi je m'appelle Gerber, je vous mets mon numéro personnel parce que dans deux trois jours j'serai pratiquement plus là... (il lui donne la carte) Vous allez prendre ça...
Mme Plantié
- Oui... Merci...
Gerber
- Et vous allez rentrer chez vous bien sagement, hein ?... Vous allez me promettre de plus jamais remettre les pieds ici...
Mme Plantié
- Oui...
Gerber
- Promis ?
Mme Plantié
- Oui...
Gerber
- Au revoir madame...
Mme Plantié
- Au revoir docteur... (elle sort)
Gerber
- Bravo...
Plantié
- Elle est folle, je vous jure qu'elle est folle...
Gerber
- Vous croyez pas que vous en faites un peu trop ?...
Plantié
- Ecoutez, mon vieux, je vous demande de rien dire de tout ça... Que ça reste entre nous... Que personne de la station ne sache...
Gerber
- Je vais chercher du boulot ailleurs... Et comme mon boulot consiste à informer...
Plantié
- Je vais parler au président... Ne vous inquiétez pas, j'arrangerai ça... Mais vous ne pouvez plus rester au journal... Hein !... Euh... Je vous nomme superviseur des émissions artistiques
Gerber
- Mais c'est un poste qui n'existe pas...
Plantié
- Mais le besoin s'en faisait sentir depuis longtemps... Ca vous conviendra parfaitement...
Gerber
- Et en quoi ça va consister ?
Plantié
- Ben voyons... On verra ça plus tard, hein mon p'tit vieux... (Le PDG, Louis-Marcel Thulle arrive au siège de Radio-Plus. Il croise Gerber qui s'en va, monte dans le bureau de Plantié)
Une speakrine (en voix off)
- Jésus Christ mangeait du poisson.. Alors suivez l'exemple venu d'en haut. Chaque jour sur votre table, les sardines, les daurades seront toujours aussi fraîches qu'il y a 2000 ans à Jérusalem si vous faîtes confiance aux poissonniers affichant le label "Qualité poisson"... "Qualité poisson", un poisson de qualité pour les chrétiens qui ont du goût
(Thulle entre dans le bureau de Plantié)
(Plantié joue avec le gadget à deux boules lorsque le Louis-Marcel Thule entre)
Thulle
- Qu'est-ce que c'est ça ?...
Plantié
- Un gadget... Un jeu... Je les essayais parce que nous allons peut-être nous en servir pour un concours
Thulle
- Faites voir... (Thulle essaye de faire fonctionner le gadget, n'y parvient pas) Une bêtise !... Vous avez reçu mon paquet ?
Plantié
- Oui président...
Thulle - Vous avez sacqué cet imbécile ?...
Plantié
- Ah non non... Il aurait fallu lui payer ses indemnités... Il y a des questions syndicales... mais je l'ai éliminé du journal... J'ai préféré le mettre sur une voix de garage en le nommant superviseur des émissions artistiques...
Thulle
- Mais c'est un poste qui n'existe pas...
Plantié
- C'est pour ça... Nous allons le créer pour lui...
Thulle
- En quoi ça va consister ?
Plantié
- Alors euh... Nous verrons cela un peu plus tard président...
(Chez le président Thulle... Louis-Marcel Thulle passe son temps à écouter les programmes de Radio-Plus tandis que son épouse regarde la télé)
Une speakrine (en voix off)
- Voici la cathédrale de feuilles... En voici les piliers d'écorce et le dallage de mousse... Et voilà que les ordres du vent éclatent en plein champ et heurtent leur écho contre la fougère... La forêt se réveille et le héros paraît...
Une autre voix
- C'était "Ma tête est malade", une émission de Mimi Chaperon... Chef-opérateur... Thulle (au majordome)
- Quoi ?!...
Le majordome
- Le fils de la cuisinière en avait deux paires...
Thulle (il essaye de jouer, n'y arrive pas, s'énerve après le majordome)
- Ca va !...
(on entend en fond le choc des petites boules...) (le chauffeur de Radio-Plus traverse la ville en écoutant la radio)
La speakrine (voix off)
- Mais non, madame... Dieu a créé l'arachide pour que vous puissiez mettre sur votre table Suavilor, huile archipure, plus légère qu'une plume d'ange avec laquelle vous préparerez de savoureux petits plats si faciles à digérer... Et si vos enfants ou votre mari commettent un gros pêché de gourmandise, il leur sera pardonné car Suavilor, même Dieu l'adore.
(Dans le hall d'accueil de Radio-Plus)
L'hôtesse
- T'as vu, regarde-moi ça le cul que ça me fait... C'est pas possible...
(Gerber arrive)
Gerber
- Non mais c'est bien...
Une autre hôtesse
- On a l'air de quoi ?
Gerber
- Voyons, marche un peu... T'es superbe... Marche encore... On dirait Jeanne d'Arc... Ils vont être très contents de voir ça là-haut...
L'hôtesse
- Ah non !...
(en montant l'escalier, ils croisent une secrétaire poursuivie par le couturier)
La secrétaire
- Non, je ne mettrai pas cette saloperie !... Je ne veux pas de cette merde, je ne mettrai pas cette saloperie...
Le couturier
- C'est monsieur Plantié qui l'a dit...
(Gerber entre dans la rédaction avec l'hôtesse)
Un journaliste
- Tiens, voilà le superviseur de mes fesses...
Gerber
- Regardez en supervisant ce que j'ai trouvé... C'est pas beau ça...
(les journalistes se précipitent aux pieds de l'hôtesse... Gerber continue son chemin tout seul)
Un employé
- Vous savez que votre bureau est prêt ?
Gerber
- Ben oui, j'y vais...
(Gerber entre dans son bureau. A l'entrée de celui-ci, deux jeunes femmes discutent)
La première femme
- T'en as déjà mangé toi du caviar ?...
La seconde
- Oui... Une fois... Chez des amis...
La première
- C'est bon ?...
La seconde
- On dirait du thon...
La première
- Ca se mange avec quoi alors ?
La seconde
- Ben avec des couverts à poissons évidemment...
Gerber
- Hum hum !... Euh... Vous n'avez pas de machine à écrire... La première
- Moi je sais pas taper...
La seconde
- Moi non plus...
Gerber
- Et la sténo ?...
La première
- Moi j'sais pas...
La seconde
- Moi j'connaissais pas..
Gerber
- Et qui c'est qui vous a mises là ?...
La première
- C'est monsieur Andrieu, le chef du personnel... On fait une école d'hôtesses et là on fait un stage...
La seconde
- Oui... Et ils ont pas voulu de nous en bas parce qu'on parle pas l'anglais... Voilà...
Gerber
- Qu'est-ce que vous savez faire ?
La première
- Ben on sait marcher, hein Lucette ?
La seconde
- Oh ben je veux...
Gerber
- Ben marchez...
(Elles se lèvent et se mettent à se déhancher en imitant sans grâce les mannequins)
Gerber
- Vous avez qu'à vous mettre dans mon bureau, vous aurez plus de place pour marcher... Euh, si par hasard on vous demandait où est le superviseur, vous avez qu'à dire qu'il est parti superviser... Vous saurez faire ça ?...
(Pendant la diffusion de la chanson "Si j'avais pas connu Jésus", un long mouvement de caméra présente la vie de la radio) Ringeard
- Eh bien voilà, Sylvestre Ringeard, je suis très heureux de vous retrouver au micro de Radio-Plus, nous vous présentons notre émission quotidienne "Vérité, vérités". Le père Durgle est à mes côtés. Vous allez pouvoir vous confesser et si tout est prêt en cabine nous prenons le premier appel.
Speakrine
- Madame Josepha Bourchiffon de Namur...
Mme Bourchiffon
- Oui...
Ringeard
- Allo ?...
Mme Bourchiffon
- Allo...
Ringeard
- Madame Bourchiffon ?...
Mme Bourchiffon
- Oui.
Ringeard
- Allez y madame, nous vous écoutons...
Mme Bourchiffon
- Eh bien voyez-vous mon père, je suis mariée depuis déjà beaucoup de temps...
Ringeard
- Attendez, je m'excuse, c'est Sylvestre Ringeard... Allez y...
Mme Bourchiffon
- Ah bon... Et puis j'ai des drôles de pensées...
Ringeard
- Mais le père Durugle vous écoute quand même... Allez-y...
Mme Bourchiffon
- J'ai des drôles de pensées... Eh bien, en voyant des photos de films, vous savez des films un peu spéciaux ou des revues... Après quand je suis rentrée le soir chez moi, j'ai...
Ringeard
- Oui je me mets à votre place... Ecoutez je dois vous interrompre car nous devons faire passer un maximum de gens à l'antenne... A moins que vous n'ayez oublié quelque chose de très grave... Alors mon père, quelle pénitence infligez-vous à notre interlocutrice ?...
Père Durugle
- Madame n'a qu'à se repentir et se recueillir sincèrement... Il n'est pas nécessaire de fixer un certain nombre de Je vous salue Marie ou de Notre père... Euh, mettons entre six et dix...
Ringeard
- Entre six et dix, madame, vous voyez le père Durugle n'est pas très sévère aujourd'hui...
Mme Bourchiffon
- Autant de chaque ?...
Durugle
- Pardon ?...
Ringeard
- Autant de chaque, vous demande madame !...
Durugle
- Ah oui...
Ringeard
- Bien... madame, le père Durugle vous donne l'absolution... Alors, nous prenons un autre pêcheur s'il vous plait...
La speakrine
- Mademoiselle Antoinette Mougeard de Clermont-Ferrand
Ringeard
- Allo ?...Madame Mougeard ?... Allo ?... Le père Durugle vous écoute...
Durugle
- Je vous écoute ma fille... C'est une dame ?
Ringeard
- Oui. Allez-y madame, allez-y...
Mme Mougeard
- Bénissez-moi mon père parce que j'ai pêché...
Durugle
- Pardon ?... Je vous entends très mal...
Mme Mougeard
- Bénissez-moi mon père parce que j'ai pêché...
(la communication est mauvaise, il y a du larsen et le père Durugle semble plus passionné par les courbes de la speakrine)
Ringeard
- Vous êtes en ligne madame... Allo madame Mougeard ?... Confessez-vous, allez-y...
Mme Mougeard
- Je ne vous entends pas du tout...
Ringeard
- Nos vous entendons très bien... Allez-y madame, confessez-vous...Allo, allez-y madame, allo ?... Ah, nous avons un petit ennui de téléphone... Nous avons perdu notre correspondante, nous prenons un autre appel...
La speakrine
- Monsieur Sébastien Chaumont de Villejuif
(bruit d'une sonnerie occupée)
Ringeard
- Eh bien décidement, nous n'avons pas de chance avec le téléphone... Pas d'autres appels, alors un peu de musique... (à la régie) Qu'est-ce que vous foutez avec ces téléphones, nom de Dieu... Oh pardon mon père !...
(dans un autre studio, une chanteuse enregistre une chanson intitulée "Oh seigneur !"... Les secrétaires de Gerber l'écoutent en gigotant)
(dans un autre studio, Aurélien Mouzeran entame un débat entre deux curés)
Aurélien Mouzeran
- Bon, ça c'est une attitude que je comprends fort bien mais il est quand même curieux que ce soit vous mon père qui êtes, excusez-moi, plus âgé, plus mûr que votre collègue... enfin je ne sais pas si on doit dire collègue, disons votre confrère encore que...
Le jeune prêtre
- Non, non, non, dîtes frère... Entre nous, nous appelons frère... N'est-ce pas mon père ?
Le curé de campagne
- Oui mon fils !
Aurélien Mouzeran
- Donc mon frère... euh mon père, vous êtes plus âgé que votre fils... enfin que votre frère c'est-à-dire votre confrère... vous devriez être plus traditionnaliste... Or, vous êtes, vous, pour le mariage des prêtres...
Le curé de campagne
- Oui !!!... Parce que j'y pense... depuis longtemps...
Aurélien Mouzeran
- Ah ! Vous songez à vous marier ?
Le curé de campagne
- Non mais je suis à même de connaître les angoisses, les doutes, les problèmes qui assaillent le prêtre rural, le curé de campagne qui le soir dans sa cure se sent bien seul et ressent bien souvent le besoin de se reposer sur une compagne... Aurélien Mouzeran
- Et vous mon père ?
Le jeune prêtre
- Je ne suis pas du tout d'accord... Je pense que le célibat est la condition sine qua non de la tranquillité et de la sérénité du prêtre...
Aurélien Mouzeran
- Je crois que vous n'exercez pas votre ministère dans les mêmes conditions que votre confrère... Vous n'êtes pas curé de campagne...
Le jeune prêtre
- Non je suis dans l'enseignement... J'enseigne la musique...
Aurélien Mouzeran
- Où ça ?
Le jeune prêtre
- Dans un collège de jeunes filles à côté de Saint-Tropez...
Aurélien Mouzeran
- Et le besoin de former un couple chrétien uni ne s'est jamais manifesté ?
Le jeune prêtre
- Non...
Le curé de campagne
- Mais il n'y a pas besoin de fomer un couple...
Aurélien Mouzeran
- Messieurs, Christian Gerber vient d'entrer dans le studio, il y a peut-être un nouveau flash d'actualité...
Gerber
- Non, non, pas du tout... Je viens seulement en tant que superviseur... J'ai entendu une partie de votre débat dans mon bureau et j'ai été passionné par ce que vous avez dit... Je suis tout à fait d'accord avec vous sur les besoins de moderniser l'Eglise et je pense même qu'il faudrait aller plus loin...
Le curé de campagne
- Ah mais ça se fera progressivement... Au début le mariage nous libérerait déjà...
Gerber
- Est-ce qu'on pourrait revenir sur ce sujet passionnant qui est la communion sous son aspect liquide...
Le jeune prêtre
- Ah mais elle est déjà pratiquée par les protestants... On boit le vin à l'office... Oh sur le plan oecuménique je pense qu'elle peut être acceptée...
Le curé de campagne
- Ah non... C'est sans intérêt !
Gerber
- Quand je parlais de la communion liquide c'était évidemment sous ses aspects les plus pratiques... Par exemple, je sais pas, l'hostie en tube qu'on pourrait délayer ou même l'hostie sous forme de pastille effervescente avec adjonction de bicarbonate qui permettrait en même de soigner les gens qui ont l'estomac délicat... On pourrait même envisager toute une campagne en disant : Repas d'anniversaire, repas de communion, on a un peu trop bu, un peu trop mangé, le matin on se réveille avec une migraine atroce, l'hostie Spumante vous permet de communier en supprimant le mal de tête... Et puis même un slogan pour la publicité diffusé par affiche : J'ai le hoquet, j'ai trop bu, petite Jésus, je l'ai plus...
(de plus en plus scandalisés par ce qu'ils entendent les prêtres se lèvent et sortent)

(dans le couloir, on les voit crier et se plaindre à Aurélien Mouzeran)
Le curé de campagne
- Je me plaindrai à l'archevêque... C'est vrai le mariage n'est pas une petite affaire... (Le curé de campagne s'arrête quelques instants pour regarder une jolie standardiste avant de repartir calmé.
Voix radio
- Bilan du week end, 186 blessés graves et 65 morts...
(Plantié, furieux, rentre dans un studio)
Plantié
- Alors, vous êtes sonné ou quoi ?
Gerber
- Qu'est-ce qu'il y a encore ?
Plantié
- Il y a qu'il y a des limites à ne pas dépasser... Je trouve votre intervention de très mauvais goût... Ca... ça... ça vous amuse de choquer les honnêtes gens !
Gerber
- A propos d'honnêteté, j'ai des nouvelles de votre charmante épouse... Vous savez qu'elle répête avec Marcel Jolin... Il paraît qu'elle est formidable !
(Plantié bat en retraite et retourne s'enfermer dans on bureau)
(Seule dans le studio, la speakrine prend congé des auditeurs)
Speakrine
- Radio Plus, il est deux heures... Nos émissions sont maintenant terminées... Elles reprendront à six heures trente... Bonne nuit... Le Seigneur soit avec vous...
(dans la cabine régie)
Le technicien
- Elle a pas l'air d'aimer le Seigneur...
Speakrine
- Ras le bol ! Je vais aller lui dire moi à Plantié... Si je fais encore l'émission midi-six heures comme hier et que je me paye l'antenne de fin de soirée, c'est inimaginable...
(Gerber rentre dans la régie)
Speakrine
- Ah t'es là toi ?!
Gerber
- Oui... Des fois que je pourrais faire le bonheur d'une speakrine !
Speakrine
- Désolé, mon chou, pas ce soir... J'ai rendez-vous avec mon jules chez Castel...
Le technicien
- Tu te loupes une affaire...
Gerber
- Dis donc euh, tu te magnes toi qu'on aille boire un coup...
Le technicien
- Ah non ce soir, pas possible... On refait tout, on refait tous les play-back... Demain matin, toute l'opération Jésus on recommence... Tous les jingle antenne...
Gerber
- Il faut refaire quoi ?
Le technicien
- Il faut refaire tous les textes parce que c'est pas convaincant...
Gerber
- Mais je vais t'en faire des textes moi... Des machins sur Jésus ?...
(le technicien envoie une musique de tango).
Gerber
- Ouais, c'est bon ça... Bon tango... (à la script) Tu vas nous chanter ça, toi la miss ?
La script
- J'suis pas chanteuse moi...
Le technicien
- Et alors ? (Pendant que Gerber finit d'écrire un texte, le technicien installe le micro pour la script)
Gerber
- Bon tu le fais en espagnol...
La script
- Hein ?
Gerber
- Tu prends l'accent espagnol...
La script
- Avec l'accent espagnol... d'accord...
(la script lit le texte pendant que Gerber et le technicien rejoignent la régie)
Le technicien
- Bon je t'envoie le play-back... Attention...
Début de la musique... La script fredonne, fait signe que c'est bon...
Gerber
- Comme ça ils en auront du Jésus...
Le technicien
- Attention c'est parti...

Chanson : dans les bras de Jésus (Seul devant le micro, Gerber enregistre des messages publicitaires)
Gerber
- Monsieur l'abbé, regardez votre soutane... Elle est verte... Eh oui, en vieillissant, le noir devient vert... N'hésitez donc pas à raviver ses couleurs avec Soutaneuf le régénérateur de soutanes contenant de l'activotextigène à l'essence de synode dégénéré. Soutaneuf, la résurrection de la soutane. Existe également Soutaneuf pourpre, Soutaneuf violet... Pour le blanc, devis spécial de nos laboratoires...
(musique d'orgue)
Gerber
- Qu'y a-t-il de plus irritant que de tousser ou d'éternuer pendant l'office... Pour supprimer les mauvais rhumes, utilisez Rhinomissel, le livre de messe traité à l'eucalyptus et au bourgeon de pin naturel... Mon rhume est fini, je rends grâce au Ciel, merci Rhinomissel !
(musique d'orgue)
Gerber
- Ah ma soeur, au couvent toute la journée vous avez chanté les psaumes, assisté aux vêpres, porté le cilice et brusquement le soir vous constatez que votre fraîcheur naturelle a disparu... Mais non ma soeur ne vous désolez pas... Cette fraîcheur vous pouvez la retrouver grâce à Encornet... Encornet le désodorant de la bonne soeur qui n'oublie pas qu'elle est aussi une femme...
(musique d'orgue)
Gerber(s'adressant au technicien)
- T'y vas molo là hein... Remarque, tu peux rien faire... Tu rigoles non ? J'entends rien, ça me bippe dans les oreilles... Vas y !

(Le technicien et Gerber écoutent la chanson lorsque surgit Plantié)
Plantié
- Gerber, je vous demande d'arrêter cette bande immédiatement !
Gerber
- Ah ben faudrait savoir ce que vous voulez... Pour une fois que j'ai l'esprit station... Il s'agit bien de parler du Bon Dieu...
Plantié
- Il s'agit pas de parler de Dieu, il s'agit d'axer nos programmes sur Dieu... Vous vous moquez de nos clients, Gerber !
Gerber
- Ah oui, les clients... Les Marchands du Temple, hein...
Plantié
- Vous n'avez pas à discuter ! Je vous ordonne de couper ça !
Gerber
- Je vous emmerde !
Plantié
- Et moi je vous trouve grossier, Gerber ! Et je vous fous à la porte !
Gerber
- Ah non... Parce que je prévoyais tellement votre réaction que je vous ai préparé une petite lettre d'adieu... Une lettre d'adieu radiophonique évidemment... (au technicien) tu peux envoyer...
(Le technicien lance la bande... Le personnel de la station se masse devant le studio.)
Gerber
- Plantié, vous êtes un con ! Vous le trouvez grossier et moi mon cher ami je vous trouve vulgaire...
Plantié (au technicien qui montre qu'il ne fera rien)
- Arrêtez-moi ça, vous !
Gerber
- Vous ne comprenez pas, je vais vous expliquer... Dire merde ou mon cul, c'est simplement grossier. Maintenant, voyons voir ce qui est vulgaire... Prendre une voix feutrée et sur un ton larvaire vendre avec les slogans aux bons cons d'auditeurs les signes du zodiaque ou le courrier du coeur... Connaissant son effet sur les foules passives, faire appel à Jésus pour vanter la lessive. Employer les plus bas et les plus sûrs moyens, faire des émissions sur les vieux, sur la faim, le cancer, enfin jouer sur les bons sentiments afin de fourguer les désodorisants, tout cela c'est vulgaire, ça pue, ça intoxique mais ça fait partie du jeu radiophonique. Vendre la merde oui mais sans dire un gros mot. Tout le monde il est gentil, tout le monde il est beau. Mais là, mon cher Plantié, vous ne pouvez comprendre et dans un tel combat, je ne puis que me rendre. Alors, Plantié, salut, je préfère me taire... Je crains en continuant de devenir vulgaire...

(Gerber sort) (Une boîte de nuit... On danse sur le morceau Sine qua non avec des disc-jockeys à l'apprence christique)

Un homme
- Salut Gerber...
Gerber
- Salut
Un homme
- Dis Popo tu nous mets trois calices... Sensationnel non ? C'est ouvert depuis huit jours mais ça va casser la barraque... C'est Vachmol qui a ouvert a, le gars qui avait le Pornoclub à Montparnasse... Un type comme ça ! Il est assis à côté de Mily...
Gerber
- Qui c'est Mily ?
Un homme
- La blonde ! Tu dois la connaître, c'est la femme du patron de Radio-Plus...
(Gerber se lève pour aller la voir et l'invite à danser)
Gerber
- Je sais pas danser et j'aime pas ça... Dans le noir j'aurais du mal
La présidente
- Je connais votre voix
Gerber
- Ca m'étonnerait
La présidente
- Dites voir : Vous allez entendre le dernier succès de Leslie Brown...
Gerber
- Non, c'est pas par là qu'il faut chercher
La présidente
- Vous êtes le fameux Gerber ?
Gerber
- Oui madame la présidente
La présidente
- On vous a mis dehors cette après-midi à 17h35...
Gerber
- Ah non, je suis parti de mon plein gré à 15h43...
La présidente
- Et vous attendez quelque chose de moi ?
Gerber
- Non... Rien du tout...

(Gerber s'en va)
Le président Thulle essaye encore de jouer avec le gadget à deux boules
Thulle
- Comment fait-on ?
Le majordome
- Je ne sais pas, monsieur.
Thulle
- Allez réveiller le fils de la cuisinière !
Le majordome
- A cette heure-ci, monsieur ?
Thulle
- Oui !
Le majordome
- Bien, monsieur.

(Le fils de la cuisinière arrive en pyjama)

Thulle
- Montre voir !
(Le fils de la cuisinière réussit à faire s'entrechoquer les deux boules)
Thulle
- Recommence !
(Le fils de la cuisinière réussit à faire s'entrechoquer les deux boules)
Thulle
- Faut pas dormir, recommence !
(Le fils de la cuisinière réussit à faire s'entrechoquer les deux boules encore plus longtemps)
(Thulle essaye à son tour, l'enfant veut le guider...)
Thulle
- Oui mais j'ai compris
(Thulle s'envoie les boules sur les doigts)
Thulle
- Ramenez-moi ça ! P'tit con !
(Le président Thulle essaye toujours lorsque sa femme rentre)

Madame Thulle
- Vous devriez aller vous coucher Louis-Marcel... Vous avez un conseil d'administration demain à 9 heures...
Thulle
- Vous étiez où ?
Madame Thulle
- Dans une nouvelle boite... J'y ai entendu une très jolie musique de danse. Symphonie Sine qua non... Ca devrait passer plus souvent à l'antenne...
Une speakrine
- Il n'y a que la foi qui sauve, mais seule la foi ne peut sauver votre foie... Pour votre foie, Matolex la pilule à l'artichaut lyophilisé... Chaque jour, une ou deux fois, Matolex pour votre foie...
(La régie envoie la musique de la symphonie Sine qua non)

Un journaliste
- Lille bat Nancy 7 à 2... Irgoun Sportif bat l'US Goy 3 à 2... Match nul entre Tarbes et Béziers 2 partout... Et Perpignan bat Dijon treize et trois... treize à trois... C'est pas très étroit...
(La régie envoie la musique de la symphonie Sine qua non)

Un animateur
- Il s'agit maintenant d'un titre exceptionnel que le bureau de la programmation vient de nous envoyer... Je crois que c'est le tube de la saison, écoutez bien...
(La régie envoie la musique de la symphonie Sine qua non)

Une speakrine
- Pour monseigneur Barnajian de la part de ses vicaires, pour les élèves du collège Sainte-Jeanne-de-la-Désolation de la part de l'économe et de la part du lieutenant-colonel Chalmandier pour son petit Lilou...
(La régie envoie la musique de la symphonie Sine qua non... La speakrine fait signe à la régie qu'elle en a marre de ce morceau de musique...)

(Salle du conseil d'administration... Une demi-douzaine de personnes sont assises lorsqu'entre le président Thulle)
Thulle
- Je vous écoute
Un membre du conseil
- Je voudrais simplement exprimer ma joie et notre reconnaissance au président Louis-Marcel Thulle qui ne s'est pas contenté de racheter la majorité des parts de notre société des aliments phosphorés mais qui a bien voulu accepter de présider le conseil d'administration... Monsieur Brézier va nous présenter maintenant notre prochaine campagne.
Brézier
- Eh bien messieurs, nos laboratoires ont décidé, après accord des services commerciaux, des bureaux de marketing et du merchandising-groupe, de lancer une nouvelle gamme d'aliments canins. Le nom du produit a été choisi par les spécialistes des médias, il portera le nom de Gai Toutou...
(Thulle tend à s'assoupir pendant l'exposé)
Brézier
- Le budget de la campagne publicitaire a été fixé à un milliard d'anciens francs, la répartition entre les différents médias n'a pas encore été faites : affiches, vitrines, échantillons...
Thulle
- Je crois que nous pouvons décider tout de suite que 500 millions seront consacrées à la publicité radiophonique...
Brézier
- C'est une excellente idée...
Un membre du conseil
- Cela va de soi, monsieur le président... Sur les antennes de Radio-Plus évidemment...
(Moue de Thulle qui trouve que c'est une évidence)
Thulle
- Bien, je crois que tout a été dit... Vous m'excuserez messieurs...
(Dans le bureau de Plantié)
Plantié
- Heureux de vous voir, président... Très bonne nouvelle... Brézier de l'agence Cryptamanan vient de m'appeler... On a décroché un contrat de 500 millions pour le lancement d'une gamme de produits pour chiens... Gai Toutou...
Thulle
- Très bien... A part ça, quelles sont les nouvelles ?
Plantié
- Tout va bien... Ah j'ai vidé Gerber... Cette fois c'est pour de bon, il nous créait trop de problèmes...
Thulle
- Cette fois, mon cher, je crois que je vous bats... Combien de temps tenez-vous ?
Plantié
- Nous allons voir ça, président... (à l'interphone) Faites monter un chrono studio tout de suite !...

(Ils commencent à agiter les petites boules)
(Devant la Maison de la radio, siège de l'ORTF)
Un journaliste
- Non mais vraiment je t'assure, j'aurais voulu faire quelque chose pour toi... Mais vraiment c'est pas possible... T'en as trop fait... Franchement... T'as tiré un peu trop sur la corde et puis dans la maison, tu sais ici... C'est pas possible...
Gerber
- Bien merci...
Un journaliste
- Tu chanterais... Je passerais tes disques franchement... Allez merci... Bonne chance... Salut Gerber... (Gerber quitte l'ORTF quand une 2 CV s'arrête prêt de lui)
Mme Plantié
- Oh mon cher bienfaiteur... ça fait un moment que je voulais vous téléphoner vous savez pour vous remercier et pour vous dire que les répétitions ça marche drôlement bien...
Gerber
- Ben tant mieux...
Mme Plantié
- Et vous ? Ca va ?...
Gerber
- Moi j'suis chômeur moi...
Mme Plantié
- C'est pas vrai ?... Mais alors vous pouvez venir avec moi tout de suite... Je vous emmène... Vous allez voir ça, c'est très bien... Et puis alors Jolin...
(Gerber monte dans la 2CV qui démarre)
(Salle de théâtre - La troupe de Marcel Jolin est en répétition)
Jolin
- Revoyons le deux, mes enfants, le deux.. ou le un... Le un... Voyez le un... C'est le début, alors voyons le un...
Gerber
- Alors ?
Jolin
- J'arrive pas à m'en sortir... C'est une connerie que j'ai choisi au milieu d'autres conneries... Alors...
(La scène où les comédiens répètent... Mise en scène très... "moderne")
Mme Plantié
- Fils de pute !!!... Plus pute que la plute que je suis devenue... Vous êtes repus... La nourriture à peine mâchée dégouline de vos bouches... Ah, vous pouvez être fiers !... Ah, vous vous prenez pour Abraham Lincoln !...Avancez précédés de vos intestins remplis de poissons morts et de viandes faisandées... Ah, je vous hais !!! Je vous hais !!!
Jolin (dans la salle)
- T'as bien fait de me l'envoyer ta tordue... Elle est formidable... Vraiment... Et puis personne n'aurait voulu jouer ça... Personne... Elle est tellement cinglée qu'on sait pas... elle est capable de sauver le spectacle... Regarde la tronche.. Bien...
Mme Plantié (sur scène)
- Que la nuit vienne !... Que vous preniez pour une de ces chiennes hautaines dont vous régalz vos hampes empesées... Oui, que vous me chevauchiez, que je vous donne ma vérole marxiste et que je contamine votre grandeur impérialiste !...
Le comédien sur la passerelle
- Qu'on la foute dehors et qu'on la bastonne !... Pas sur la tête, ça laisse des traces !...
Mme Plantié
- Car le nivellement viendra ! Par le bas ! Par au-dessous de la ceinture !...
Les deux comédiennes "cyclistes"
- Combat de l'hydre contre l'enfant à la fronde... Elle peut abattre le géant !
Le comédien en uniforme nazi
- Et la Terre tourne inexorablement !...(Tous les comédiens répétent ensemble et ad libitum cette phrase)
Gerber
- C'est pas terrible !...
Jolin
- C'est le moins qu'on puisse dire, oui... (aux comédiens)Ben, stop, on arrête... Pause café...
Jolin
- Qu'est-ce que tu veux que je te dise, moi... Depuis que les autres m'ont viré comme des dégueulasses, il fallait bien faire quelque chose... Alors, ben j'ai choisi la culture, c'est plus simple... D'ailleurs ici ça va bien... La municipalité ils me foutent la paix... C'est vrai que quand il y a pas les élections ils me foutent la paix, j'suis tranquille... Seulement... Moi je prends bide sur bide...
Gerber
- Ah oui mais... Ton truc ça a cent ans là... Qu'est-ce que tu veux que j'te dise... Tu sais c'qu'il faudrait qu'tu fasses ici ?... Jésus...
Jolin
- Quoi Jésus ?...
Gerber
- Ben Jésus, mon vieux... Moi je viens de me faire virer à cause de Jésus...
Jolin
- C'est une blague ?
Gerber
- Non, maintenant Jésus tu l'as le matin dans ton café crème, le soir dans ton whisky... Les gens aiment Jésus, faut leur vendre du Jésus...
Jolin
- Ben là qu'est-ce que tu veux que je monte ?... Je vais pas monter Les Dix commandements ?
Gerber
- Tu fais... euh... une pièce moderne... Un Jésus super quelque chose...
Jolin
- Ben il faut l'avoir la pièce...
Gerber
- Je vais te la faire, moi...
(Un studio à Radio-Plus... Sylvestre Ringeard est à l'antenne)

Ringeard
- ... Quand on dit à quelqu'un "mon cher ami", je voudrais qu'on pense vraiment à ce qu'on dit... Et pas qu'on pense "mon cher ami", qu'on dise "mon cher ami" comme "mon cher machin"... Non, "mon cher ami" c'est "mon cher ami", c'est pas "mon cher ami"... C'est "mon cher ami", "mon cher ami"... Comprenez-vous mes chers amis... (Dans le bureau de Plantié, le duel se poursuit entre Plantié et Jean-Marcel Thulle)

Plantié
- Quarante-deux secondes, je vous ai encore battu, président...
(Jean-Marcel Thulle jette le gadget sur le bureau et sort furieux... Il passe devant le studio de Sylvestre Ringeard, s'arrête quelques instants)
Thulle
- C'est de la merde, ça !
(Chez lui, Gerber écrit... La radio est branchée sur Radio-Plus)

Ringeard (à la radio)
- Mais c'est ce qu'il y a de merveilleux dans l'amitié, comprenez-vous mes chers amis...
Gerber (qui arrête le transistor)
- Quelle merde !
Thulle (qui monte dans sa voiture le transistor collé à l'oreille)
- C'est de la merde !
(Gerber rallume le transistor)
Ringeard (à la radio)
- Bonjour mon cher ami... Comment allez-vous mon cher ami ?... Et puis qu'on s'embrasse comme ça dans la rue, ce serait...
Gerber (qui éteint à nouveau le transistor)
- C'est vraiment de la merde !
(Dans la Rolls de Thulle)
Ringeard (à la radio)
- Il faut relire les textes sacrés...
Thulle
- De la merde ! De la merde !
(Gerber rallume le transistor)
Ringeard (à la radio)
- C'est l'amitié des camarades... et c'est l'histoire de l'amitié...
Gerber (qui éteint à nouveau le transistor)
- C'est toujours de la merde !
(Thulle rentrant dans son salon où sa femme lit un journal révolutionnaire)
Thulle
- C'est de la merde ! C'est de la merde !... De la merde...
Gerber
- De la merde !
Thulle
- Merde !
Gerber
- C'est...
Thulle
- ...vraiment...
Gerber
- ... la ...
Thulle
- ...plus...
Gerber
- ... grande ...
Thulle
- ...merde...
Gerber
- ... des ...
Thulle
- ...merdes...
(Jean-Marcel Thulle est à nouveau dans sa Rolls)

Ringeard (à la radio)
- Ici Sylvestre Ringeard au micro qui vous présente une nouvelle émission "Aimons-nous les uns les autres"... Oui, je sais que certains trouveront que cet orgue est un peu joyeux... Musique un peu profane mais qu'y a-t-il de moins profane que la joie n'est-ce pas ? Et notre Seigneur lui-même en était bourré, je veux dire bourré de joie et d'espérance... S'il avait pu jouer de l'orgue, il aurait joué cet air-là tous les jours... "Aimons-nous les uns les autres" pourquoi ce titre mes chers amis ?... Parce que c'est Jésus qui l'a dit...
(Jean-Marcel Thulle coupe la radio et décroche son téléphone)
Thulle
- Baronnet ?... C'est nous qui contrôlons Spot Service pour la publicité télé ?... Bon alors, vous allez annuler la campagne de 500 millions Gai Toutou sur Radio-Plus et la reporter sur Spot Service... Oui, oui, tout le budget !...
(Il raccroche)
(Jean-Marcel Thulle entre en colère dans le bureau de Plantié)

Thulle
- De la merde !... Plantié, c'est de la merde !... N'importe quel imbécile dirigerait cette station mieux que vous !... D'ailleurs la clientèle commence à s'en rendre compte... Ce matin, le service commercial m'a informé que Gai Toutou nous retirait sa campagne de 500 millions... Naturellement vous vous êtes bien gardé de m'en faire part... Incapable et faux jeton... ça pour jouer aux petites boules vous êtes très fort, hein... Mais pour le reste n'importe qui ferait mieux à votre place... Le plus minable de tous les corniauds que vous avez largué... A propos, qui est le dernier ?... (Il ouvre le placard aux crânes) Ah, Gerber !... (Il tend un paquet cadeau à Plantié) C'est pour vous...
(On sonne chez Gerber)

Le chauffeur de Thulle
- Le président veut vous voir immédiatement...
Gerber
- Quel président ?
Le chauffeur de Thulle
- Ben... Le président Louis-Marcel Thulle.
Gerber
- J'ai pas envie de voir ce monsieur...
(Gerber referme la porte)
(Le TIP - Soir de pemière de "Tilt pour Jésus Christ")
Une spectatrice
- Dépêche-toi, on est en retard !

(Derrière le rideau, Jolin regarde la salle se remplir)
Jolin
- Pourvu que ça marche parce qu'avec tes conneries, il y a tout Paris...
Gerber
- Un spectacle sur Jésus, il peut y avoir un miracle...
Jolin
- On sait jamais, oui... SI tous les cons sont là, hein ?...
Gerber
- Regarde à gauche, y a un beau chichkebab...
Jolin
- La vache !...
(Dans les coulisses)
Gerber
- Ben voilà t'es rassuré...
Jolin
- Oh rassuré... Faut voir les critiques...
Mme Thulle
- Le président vous attend dans sa voiture...
Gerber
- Il emploie les grands moyens... Qu'est-ce qu'il me veut ?
Mme Thulle
- Il vous le dira lui-même...
Gerber
- Ben je ne vois pas ce qu'il peut me dire d'intéressant... Sauf m'annoncer qu'il a viré Plantié...
Mme Thulle
- Et pourtant c'est ça... Et sa place est toute chaude...
Gerber
- Sans blague..
Mme Plantié (qui apostrophe Gerber en plein rappel)
- Ca marche bien !...
Gerber (à madame Thulle)
- Oui mais ça m'intéresse pas... Vous voyez, j'ai trouvé ma voie ici...
Mme Thulle
- Vous vous dégonflez ?... Vous méritez mieux que ça... Ne faites pas attendre le Président et ne me faites pas attendre...
Gerber (à Jolin)
- Je reviens...
(Gerbert rejoint Thulle dans sa Rolls)
Thulle
- Je m'excuse de vous recevoir dans des conditions aussi inconfortables... Voilà, il s'agit d'une radio faite par des minus pour des minus et je souhaite une radio faite par des types intelligents pour des auditeurs intelligents... Vous aurez les pleins pouvoirs...
Gerber
- Faites attention... Vous risquez de regretter ce que vous venez de faire...
Thulle
- Alors vous acceptez ?...
Gerber
- Si vous me garantissez toute liberté...
Thulle
- Faudrait d'abord s'entendre sur le sens du mot liberté...
Gerber
- C'est un terme qui par définition ne connaît aucune restriction...
Thulle
- Ok, je prends le risque...
Gerber
- Alors, ça va, je tente ma chance...
(Dans le hall d'entrée qu'on débarrasse des affiches sur Jésus)
Une hôtesse
- Je me demande ce qu'on va nous foutre sur le dos maintenant ?
L'autre hôtesse
- Bof !...

(Avec la script, Gerber réorganise la radio)
Gerber
- Mais qu'elles s'habillent comme elles veulent, j'en ai rien à foutre...
La script
- Ah dis, je t'ai préparé la liste des cadres... Tiens, attends...
Gerber
- Alors...
La script
- Publicité : 34... Artistique : 24... Programmation : 17... Administration : 41...
Gerber
- Alors, fais voir la liste... Tu me notes ça, ça... Ca c'est bon... Celui-là c'est bon... Celui-là c'est un vrai tocard... Celui-là est bon... Quatre à la gestion et, euh..., celui-là... Et ça fait ?
La script
- Onze !...
Gerber
- Onze... C'est bon... Alors note... Barthélémy, André, Thomas...
Le chef de la publicité
- Qu'est-ce que j'apprends ?... Vous voulez tester tous les produits avant de passer les publicités ?...
Gerber
- Ah oui...
Le chef de la publicité
- Et les messages que nous écrivons ?...
Gerber
- Au panier...
Le chef de la publicité
- Dans ce cas-là, je me demande à quoi nous servons ?...
Gerber
- Mais à rien...
Le chef de la publicité
- Ah bon, parfait... (il sort
Gerber
- Alors, on en était où ?...
La script
- Thomas...
(La régie technique... Thomas installe des plaques électriques à côté des tourne-disques)

Le technicien
- Oh dis eh, à quoi tu joues merde ?!... Tu m'enlèves une platine, j'en ai déjà pas assez ici...
Thomas
- Mon pote, je prends la place où je la trouve...
Le technicien
- Oh mais ça va pas les mecs !...
(Dans une sorte de petit laboratoire, le docteur Radio-Plus teste des vins)

Thomas
- Bon allez on va pas moisir... Les notes s'il vous plait ? Le un ?
Le docteur Radio-Plus
- Un !
Thomas
- Le deux ?
Le docteur Radio-Plus
- Deux !
Thomas
- Le trois ?
Le docteur Radio-Plus
- Trois !
Thomas
- Non, tu te fous de moi ou quoi ?
Le docteur Radio-Plus
- Attends je te le taste again...
Thomas
- Quoi ?
Le docteur Radio-Plus
- Je le teste encore un coup... Trois et demi !
Thomas
- D'accord... Le quatre ?
Le docteur Radio-Plus
- Quatre !
Thomas
- Le cinq ?
Le docteur Radio-Plus
- Cinq !
Thomas
- Et celui-là ?
Le docteur Radio-Plus
- Celui-là c'est le mien !...
Thomas
- Ah !
(Thomas passe dans la pièce voisine)

Thomas
- Bon alors, les séchoirs ?...
Un journaliste
- Ben les séchoirs c'est de la saloperie... J'en ai essayé qu'un : il me brûle...
Thomas
- Je te demande une note !
Un journaliste
- Ben alors, zéro, il me brûle...
André
- Bon dis donc, ici c'est la parfumerie, les crèmes de beauté, les...
Thomas
- Oui mais ça j'en ai rien à foutre...
(Thomas passe dans la pièce voisine)

Thomas
- Allez les filles, les collants...
Une fille
- T'appelles ça des collants, toi ? Regarde ça, il est bas du genou...
Thomas
- Alors ?
Une fille
- Trois ! Et encore...
Thomas
- Le deux ?...
Une autre fille
- Bidon, ça tient chaud sous les bras ! Zéro ! Pointé !
Thomas
- Le trois ?...
Fille n°3 (avec un collant beaucoup trop grand)
- Moi il est impeccable !...
Une autre fille
- Elle est folle !...
Thomas
- Alors la note ?
Fille n°3
- Huit !
Thomas
- Huit ???!!!
Fille n°3
- Allez cinq !
Thomas
- Bon, mettez-vous d'accord...
Fille n°3
- Trois !
Thomas
- Bon allez trois !... Le quatre ?... (arrivée de superbes jambes) Ah ben voilà... Il est bien...
La speakrine
- J'en ai pas... Imbécile !
Gerber
- Alors Thomas, ça va ?
Thomas
- Ca roule !
Gerber (qui goûte le contenu d'une casserole)
- Erghhh !...
Thomas
- Dégueulasse hein ?
Gerber
- Complètement... Qu'est-ce que c'est ça ?
Thomas
- Ca, attends, c'est... Numéro 1... Conserves "A la papa"... Pas de repas sans "A la papa"
Gerber
- De vie à trépas avec "A la papa" !... Qui c'est "A la papa" ?
Thomas
- Ben ils ont commandé pour 300 briques de messages pour cette année..
Gerber
- Tu les envoies se faire foutre...
Thomas
- Ca va coûter cher à la station...
Gerber
- Si on avait arrêté la Voisin plus tôt, il y aurait eu moins de victimes...
(Gerber passe dans la régie du studio voisin où est diffusé un flash d'information)
Journaliste
- Nouvelle tragique !... Nous apprenons à l'instant la mort subite de monsieur Edgar Morcin, ancien ministre, secrétaire général des forces regroupées de la gauche, président des établissements Reguer-Morcin, membre de plusieurs conseils d'administration dans les milieux du textile, de la presse...
Gerber
- Qu'est-ce qu'il déconne, lui ?...
Journaliste
- Monsieur Morcin laissera le souvenir d'un homme affable, courtois et profondément...
Gerber
- Il faut pas exagérer... Je crois qu'il laissera surtout... D'ailleurs il laissera pas de souvenir, il faut bien le dire... Depuis qu'il avait perdu son portefeuille de ministre des transports en 1957, Edgar Morcin...
(Dans sa Rolls, tout en écoutant Radio-Plus, Louis-Marcel Thulle reçoit un coup de téléphone)
Thulle
- Allo !... Alloooo !... Allo !... Parlez plus fort, j'entends rien... Ah galichet ! Bonjour cher ami, comment allez-vous ?... Comment ?... Les conserves "A la papa" ?... Votre campagne publicitaire est refusée ?... Oh cher ami, c'est certainement une erreur... J'arrange ça et je vous rappelle...
(Retour dans le studio des infos)
Gerber
- ... et Aurélien Mouzeran qui écoute notre conversation derrière la vitre... Viens, viens, viens, viens... Tu l'as bien connu toi, Edgar Morcin ?...
Aurélien Mouzeran
- Moi, si je l'ai connu, oh là là !... Trop connu d'ailleurs... A chaque fois qu'il venait se faire interviewer ici, c'était un véritable problème, il comprenait rien du tout... Une véritable andouille... Et en plus il était méchant, il avait rien pour lui...
Le docteur Radio-Plus
- Je voudrais pas avoir l'air d'abonder mais j'en parlais l'autre soir avec Sylvain, il aurait tué n'importe qui, il buvait n'importe quoi, c'était un éthylique...
Le réalisateur
- Et puis quand il venait au studio, il fallait se le farcir, c'était pas du gateau...
Gerber
- Alors vous voyez que... il y a pas de raison de se lamenter... On écoute un peu de musique...

(Pendant que les participants à la discussion continuent à "tailler" le disparu, le téléphone sonne à la régie)
Le réalisateur
- Oui ?... Christian, téléphone pour toi !...
Gerber
- Ouais... Ah bonjour, président... Oui, oui, "A la papa" oui... Non, non, c'est pas une erreur, je les ai virés... Ah ben oui, 300 millions ou pas, j'ai fait tester... Tester, oui !... On a goûté leurs conserves, c'est inbouffable !... Ah ben dîtes, j'ai toujours les pleins pouvoirs non ?... Bon ben, à bientôt président...

(Dans le hall d'entrée, une délégation de l'Armée du Salut attend)
L'hôtesse (au téléphone)
- Oui d'accord... Monsieur Gerber vous fait dire qu'il n'en a rien à foutre et qu'il raconte ce qu'il veut sur l'antenne.
Le chef de la délégation
- Bien, puisque c'est ainsi nous en référerons en haut lieu...Garde à vous ! Demi-tour !... En avant marche ! Un, deux !...
(Les test continuent)
Thomas
- Tiens, goûte-moi ça !...
Gerber
- Non, j'ai mal au coeur moi à force...
Thomas
- Mais comment je fais moi alors pour faire tester mes produits alimentaires ?...Personne n'en veut... C'est comme pour les produits de beauté, il manque du monde...
Gerber
- Je t'avais dit de prendre la grande là...
Thomas
- Elle veut pas !... Elle a peur !...
La script
- Vous allez pas m'faire béqueter ça...
Gerber
- Mais non c'est les profuits de beauté...
La script
- Beauté... Avec ma peau...
Gerber
- Téléphone à Jolin et demande qu'il t'envoie l'ancienne femme à Plantié...
Thomas
- Oui t'as raison, elle est tarte !...Bonne idée
Ringeard
- On ne m'a rien confié dans les nouveaux programmes... Est-ce que je dois en déduire que je ne fais plus partie de...
Gerber
- Ah, ça je pense que vous pouvez effectivement en déduire ça...
Ringeard
- Et je pourrais savoir pourquoi ?...
Gerber
- Parce que vous êtes un gros mauvais mon vieux et un beau faux-cul... c'est tout... Vous n'avez jamais cessé de faire le jeu de tout le monde... C'est vrai, le couple c'était la passion, les jeunes ça vous ravissait, Dieu vous nagiez dans le bonheur... Alors j'ai pas besoin de ça, moi... Je fais de la radio Vérité... Radio-Plus plus près de quoi ? Ben plus près de la bonne humeur, plus près du rire... plus près de la radio surtout... Alors Radio-Plus, plus près de la radio, vous pouvez pas participer à ça...
Ringeard
- Ah ben, je me demande bien pourquoi... Tout ce que vous me dîtes là est exact... Bon ben, je suis un faux-cul, j'ai toujours lenti d'accord mais avec la plus absolue conviction. Et je peux continuer à mentir en disant que j'aime la vérité... Je suis un professionnel moi, monsieur Gerber...
Gerber
- En tous cas, vous manquez pas d'air !...
Ringeard
- Non... Soyez honnête, si vous faites la radio de la vérité, confiez-moi des émissions de faux-cul et dîtes que je suis un faux-cul, ça me dérange pas j'en suis un... Je peux le prouver... Là, je mens pas...
Gerber
- Bon, on a personne pour les produits alimentaires, vous allez devenir dégustateur... Hein ?
Ringeard
- Oui...
Gerber
- Radio-Plus plus près du consommateur, ça vous va ça ?...
Ringeard
- Oui, très bien... Je peux goûter ?..
(Un studio où débute une émission politique animée par Aurélien Mouzeran)
Aurélien Mouzeran
- Notre tribune politique... Ce soir, monsieur Aimé Legland de Ravel, président du Rassemblement des Démocrates Unifiés qui vient de publier le nouveau programme de son parti répond aux questions de toute l'équipe de Radio-Plus... Et le débat sera mené bien sûr par notre directeur, Christian Gerber... Alors, messieurs, mesdemoiselles, je vous demande de poser vos questions une à une, sans chevauchement pour la meilleure compréhension de chacun.
Gerber
- A ces questions, monsieur le président, vous allez répondre évidemment en votre âme et conscience...
Legland de Ravel
- Bien sûr, cher ami, je n'ai qu'une parole... Celle d'un homme qui a servi la France sous trois Républiques...
Gerber
- Seulement on ne sait jamais, tout homme est faillible... Alors pour prendre plus de précautions, nous allons vous demander de vous livrer à une petite formalité... Le docteur Radio-Plus, qui est le médecin de notre station et qui est le spécialiste des émissions médicales, va vous faire une petite piqûre... Une petite piqûre absolument inoffensive, une piqûre de penthotal... Pour vous il n'y a aucun risque ; pour nos auditeurs, une garantie : celle d'être certains que vous allez dire la vérité... et rien que la vérité...
Legland de Ravel
- Oh mais alors vous êtes fou !... Je proteste... Oh, je vous en prie !... On ne m'avait pas prévenu avant l'émission, c'est un véritable traquenard !...
Gerber
- Je vous assure que vous ne risquez rien... Mes camarades sont témoin et peuvent vous le confirmer...
Legland de Ravel
- Non, je... je... D'abord j'ai horreur des piqûres... Ensuite, ces procédés sont contraires aux règles les plus élémentaires de la...
Gerber
- ... politique...
Legland de Ravel
- ... de la courtoisie... Non, je m'élève solennellement contre de telles pratiques au nom de mon groupe, mon groupe qui a toujours été... Oh je vous en prie, docteur !... Mon groupe qui a toujours été à l'avant-garde...
Gerber
- Bref vous vous dégonflez...
Legland de Ravel
- Non, non, je refuse d'être le complice de cette mascarade sans nom...
(Au théâtre, Jolin règle une répétition)
Jolin
- Bien, alors déjà il faut deux projecteurs sur la passerelle... Un rose et un blanc... Vas y, envoie ! Envoie Jésus... Non, d'abord les bras... Et alors à mon avis, tac tac tac Il mime le mouvement à donner au Christ lumineux
Mme Plantié (qui arrive avec un transistor)
- Vous avez entendu ?... Oh, vous avez entendu ?...
Jolin
- Quoi ?
Mme Plantié (qui montre le transistor)
- Ca !
Gerber (dans le poste de radio)
- .. est-ce que ça vaut vraiment le coup de voter pour des... tocards pareils ?...
Jolin
- Il est gonflé, Gerber !...
(Retour à la radio... Les tests se poursuivent... Sylvestre Ringeard teste un shampoing tout en mangeant un sandwich)
Thomas
- Shampoing ?... Un.. Pâté ?... Deux...

(Thomas se déplace)
Thomas
- Bon alors cette teinture hydrofuge qu'est-ce que ça donne ?... Une fille
- C'est dégueulasse, ça tient pas l'humidité !...

(Thomas se déplace)
Thomas
- Eh oh oh oh ! Les draps ?...
Une fille
- Les draps, impeccable ! Le 3 est infroissable !...
Thomas
- Là, c'est moi qui suis froissé...
(Thomas se déplace)

Thomas
- Alors ça va ?...
Gerber
- Vous pouvez peut-être entendre au cours de nos émissions un certain vacarme inhabituel. Il faut dire que nous avons décidé de tester tous les produits pour lesquels nous faisons de la publicité... Que ce soit des produits alimentaires ou autre et d'abord, Annie, notre charmante speakrine, nous amène une lessive...
La speakrine
- Alors on a testé les lessives... Moi j'en ai une c'est la lessive Vazyme, elle est pas plus mauvaise qu'une autre mais elle est moins chère parce que l'emballage est pas aussi beau, alors... Tant qu'à faire...
Gerber
- Alors on peut acheter Vazyme... Oui, il y a des enzymes dedans... Merci Annie, je vois que notre ami Sylvestre Ringeard arrive lui aussi... Qu'est-ce que vous avez testé vous ?...
Ringeard
- Alors j'ai testé le shampoing Chauvonette...
Gerber
- C'est pas dans vos attributions, vous êtes consacré aux produits alimentaires...
Ringeard
- Oui mais non, je peux tout faire, je peux faire les deux... J'ai testé le shampoing Chauvonette, il est très bien... Alors les pâtés Renart et Ysangrin, c'est formidable aussi... Je ne le recommande pas pour les réceptions mais pour les pique-nique et les week end à la campagne, c'est très bien... A condition d'y mettre beaucoup d'oignons et beaucoup de cornichons...
Gerber
- Merci mon petit Sylvestre... Donc, nous allons... Ah encore un test, qu'est-ce que c'est ?... Vite dépêchons-nous...
Un journaliste
- Oui... Eh ben, moi j'ai testé la presse... Elle est pourrie...
Gerber
- Oui mais ça c'est pas nouveau... C'était pas la peine de faire un test pour ça... On le sait tous depuis longtemps...
La script (au téléphone)
- Il arrive, oui... (à Gerber) On te demande...
Gerber
- Ah non, dis que je suis pas là...
Le script
- C'est une dame...
Gerber (qui prend le combiné)
- Oui...
Mme Thulle
- J'ai beaucoup aimé votre intervention sur l'antenne cette après-midi... Si, si... C'était très bon... Mais est-ce que vous pensez que vous allez tenir longtemps comme ça, monsieur Gerber ?...
Gerber
- Ben j'espérais... Bonsoir... (il raccroche)
(Arrivée de Jolin et de madame Plantié à la radio)
Jolin
- Ben tu dois être content...
Gerber
- Ben oui... Le théâtre ?
Jolin
- Ben on fait des demi-salles évidemment depuis que tu as pris la direction ici...
Gerber
- Pourquoi ?
Jolin
- Ben comment pourquoi ? Les gens préfèrent rester chez eux pour t'écouter... Alors...
Gerber
- Oh oh oh oh !... Dis donc euh... Pourquoi tu viendrais pas avec nous ?...
Jolin
- Non t'es sérieux ?...
Gerber
- Ben t'as toujours ta place ici... Tu sais, il y a beaucoup de choses qui ont changé...
(Sylvestre Ringeard est à l'antenne)
Ringeard
- Ici Sylvestre Ringeard qui vous présente ses tests dégustation radiophoniques... Hier soir, j'ai donc testé pour vous douze boîtes de choucroute et je peux vous affirmer qu'il n'y en a qu'une seule de valable... C'est la choucroute Djezaïr Tannhauser des frères Rabulsonnier à Nancy...

(Dans un salon de la radio, madame Plantié teste des produits de beauté)
Une animatrice
- Make up ?
Mme Plantié
- Trois !
Une animatrice
- Eye liner ?...
Mme Plantié
- Cinq !
Une animatrice
- Anticernes ?
Mme Plantié
- J'ai pas eu le temps d'en mettre...
l'assitante de Mme Plantié
- Pourtant t'aurais bien besoin d'en mettre...
Une animatrice
- Faux cils ?
Mme Plantié
- J'peux pas tout faire !... Vous êtes marrantes !...

(Sylvestre Ringeard est à l'antenne)
Ringeard
- Test consommateur Sylvestre Ringeard... Hier soir j'ai goûté le crabe en boîte... Douze boites j'ai goûté... Une seule possible... Celle des conserveries Pregenh-Prezenh...

Ringeard
- Test consommateur... Ringeard Sylvestre... Il faut pas... abuser... des conserves...
(Sylvestre Ringeard, en piteux état, descend un escalier)
Ringeard
- Ooooh Oooh Oooh... ah !...
Gerber (qui le récupère dans ses bras)
- Eh ben !...
Ringeard
- Je voulais vous dire... Le cassoulet de chez Poulard...
Gerber
- Il faut annuler le cassoulet Poulard !...
Thomas
- "De la cuisine, c'est le grand art !"
Gerber
- Il vous fait crever tôt ou tard !...
Thomas
- De toute façon je l'ai déjà annulé...
Gerber
- C'est très bien, il faut pas hésiter... Crouik !!! Le couperet !
(Les principaux intervenants [masculins] de la station sont réunis pour faire le point)
Le technicien
- Oh oh oh eh !... Je connais le truc, là... Dans deux jours, vous allez dire, comme d'habitude, la technique suit pas...
Le docteur
- Moi je ne teste plus...
Un animateur
- Mais ne vous plaignez pas, ça progresse de partout... Regardez, en 48 heures, les pourcentages d'écoute ont quintuplé...
Aurélien Mouzeran
- Il va falloir créer un nouveau standard téléphonique...
André
- Il faudrait même créer un service spécial pour le tri du courrier parce que...
Thomas
- Ou alors une machine pour ouvrir les lettres... Plein le cul !...
Jolin
- Non mais, écoutez ça les gars !... Ecoutez ça... Monsieur, j'étais paralysée depuis six ans ; l'autre soir, j'écoutais monsieur Gerber au micro de Radio-Plus ; le niveau de mon poste était un peu faible, je me suis levée pour le monter... Oui, vous avez bien lu... J'ai quitté mon fauteuil et j'ai marché... Et depuis, je me déplace normalement... Merci monsieur Gerber... Ben c'est pas formidable ça ?...
Un journaliste
- Faut traiter ça tout de suite, je vais faire un communiqué de presse...
Gerber
- Non mais ça va pas la tête ???!!!...
Thomas
- Pourquoi ?
Gerber
- Quoi !
Jolin
- Mais il a raison... Aujourd'hui les gens admettent de plus en plus le surnaturel maintenant... T'as raison, il faut exploiter ce truc là... Ah Ah Aaaah... Gerber ! L'homme à la voix qui guérit !...
Le technicien
- Tu réalises ça ?...
L'animateur
- Avec ça, on est gagnant sur toute la ligne !...
Gerber
- Oh ben merde, là vous m'écoeurez...
Jolin
- Non mais attention, qu'est-ce que tu cherches ?... Le maximum d'auditeurs, oui ?...
Gerber
- Oui mais pour les désintoxiquer, pour leur ouvrir les yeux... Pas pour les abrutir...
Jolin
- Telle est la faiblesse de l'esprit que les meilleures causes sont gagnées d'ordinaire que par de mauvaises raisons... Attention !... Ernest Renan !...
Le journaliste
- Ad Augusta per Augusta
André
- César
Gerber
- Ben vous me faites chier !... Christian Gerber... (Il sort)
Le journaliste
- Alors là je le comprends pas...
Jolin
- Bon alors, qu'est-ce qu'on fait ?...
André
- On peut pas laisser passer quelque chose comme ça...
Jolin
- Bon alors on fonce sans s'occuper de lui...
(Le hall de Radio-Plus est couvert de béquilles)
Gerber
- Qu'est-ce ce que c'est que ça ?
L'hôtesse
- Ben des béquilles... Ta voix guérit, t'es pas au courant ?...
Gerber
- Oh les cons !

(Gerber attrape Jolin)
Gerber
- C'est toi qui as monté cette combine, hein espèce d'ordure ?... Le journaliste
- Oh mais ne t'énerve pas, Gerber... On était là tous avec lui... André, Thomas, Barthélémy et tous les autres... C'est pas une combien ça, c'est la réalité mon vieux...
Gerber
- Tout le monde dans la salle de conférence !
Le journaliste (à Jolin)
- Oui, eh bien tu nous as fourré dans une belle merde...
(Gerber attrape Jolin)
Gerber
- Alors ce que vous venez de faire, je peux pas vous le pardonner... Surtout à toi parce que je te croyais plus honnête...
Jolin
- Qu'est-ce que j'ai fait de malhonnête, bon Dieu ?!... M'enfin, tous ces malades que tu as guéris, c'est pas moi qui les ai inventés, non ?... C'est incroyable ça !... On rêve ou quoi !... J'ai seulement, bon d'accord j'ai fait accrocher, ça c'est vrai, j'ai fait accrocher quelques béquilles en plus... Mais de toute façon, dans huit jours ou dans quinze jours, le hall sera pas assez grand pour contenir toutes celles qu'on aménera... Crois-moi... Eh eh, Gerber, l'homme à la voix qui guérit !... Ben oui, on constate, on n'y peut rien... C'est comme ça... Tu n'y peux rien, nous non plus... Ben alors, on s'incline, on s'incline...
Le docteur
- La médecine psychosommatique guérit plus que l'autre, tu sais très bien... Lourdes est la plus grande clinique de France, celle qui obtient le plus de résultats... Alors qu'est-ce que tu veux qu'il dise ?...
Un technicien
- Pourquoi veux-tu empêcher les gens de croire ?...
Thomas
- Pourquoi tu veux les priver d'espoir ?...
Jolin
- Tu ne leur fais pas de mal, ça s'est vrai... Au contraire...
Gerber
- Vous êtes des vrais dégueulasses !... Vous avez pas compris après quoi je cours, hein ?... Après la vérité, ça s'est nte, c'est précis, c'est sans bavures... Et là vous me balancez le mensonge le plus gros, le plus visqueux, le plus.. le plus vulgaire qu'on puisse trouver... Vous prenez les gens pour des cons, non ?...
Jolin
- Alors, tiens, tu lis ça... Ce sont les guérisons miraculeuses de la journée... Les béquilles suivent... Tu lis ça, simplement...
Le journaliste
- Au fond, je crois que t'es un vrai salaud, Gerber... T'as pas un rond de sentiment... La misère humaine...
Jolin
- Oh mais il s'en fout !...
(Journal radiophonique...)
Gerber
- Radio-Plus nouvelle formule... Voici le journal de la vérité.. Bonne nouvelle... Bonne nouvelle... D'après l'Office Mondial de la Santé, on meurt de moins en moins de crises cardiaques et nous nous tournons vers le docteur Radio-Plus...
le docteur
- Exact !... Mais cette statistique étant établie mondialement, il faut dire que les gens meurent moins de crises cardiaques parce qu'ils meurent avant soit de faim, soit sur la route, soit à cause de la pollution....
Gerber
- Oui c'est ça, bien sûr, mais la pollution on prononce le mot sans arrêt, alors moi ce que je voudrais vous demander c'est, docteur, est-ce que vous constatez déjà les effets de la pollution sur les patients qui viennent chez vous ?...
le docteur
- Vous savez, moi je suis médecin à la radio et dans les magazines... Alors il y a combien ?... Quinze ans que j'ai pas vu de malades !...
Ringeard
- Evidemment...
Gerber
- Nous allons aborder maintenant les nouvelles financières...
Thomas
- Oui alors chapitre financier, peu de choses à dire... Les Etats-Unis ont un déficit de 25 milliards de dollars...
Gerber
- Bien fait !...
Thomas
- La France et l'Italie annoncent également des déficits...
Gerber
- Ah bravo !!!...
Thomas
- La balance commerciale allemande est pas fameuse... Et pour tous une seule question se pose : où passe le pognon ?...
Gerber
- Ben je peux peut-être vous donner des renseignements là... J'ai ici des nouvelles internationales... Les pays du Tiers-monde demandent une aide financière accrue de la part des grandes nations industrielles... Alors vous demandez où passe le pognon ?... Ben quand on leur balance pas des bombes coûteuses sur la gueule, on leur envoie des tonnes d'or qui sont exactement aussi coûteuses...
(Dans la Rolls de Louis-Marcel Thulle)
Le président
- ... Cette situation ne peut rien changer à notre position... Nous sommes sortis d'aventures beaucoup plus délicates... Il est certain que les propos qu'on tient sur votre antenne pourraient nuire à l'épanouissement de notre politique... Et vous comprendrez mon cher président...
Thulle
- Je comprends très bien mon cher président...
Le président
- Merci mon cher président...
Thulle
- Je vous en prie mon cher président...
Le président
- Au revoir mon cher président...
Thulle
- Au revoir mon cher président... (à son chauffeur) Arrêtez !...
(La Rolls de Louis-Marcel Thulle s'arrête... Le "cher président" s'engouffre dans une DS... Un peu plus loin, la Rolls stoppe à côté d'une autre DS noire)
Thulle
- Arrêtez...
(Un nouveau personnage, caché derrière des lunettes noires, monte à côté de Louis-Marcel Thulle)
Le visiteur n°2
- J'ai sollicité cette entrevue discrète car je voulais vous toucher un mot d'une affaire qui préoccupe ébormément mon groupe... Vous voyez peut-être à quoi et surtout à qui je veux faire allusion mon cher président...
Thulle
- Oui mon cher président...
(Retour au journal)
Gerber
- ... Faut pas exagérer quand même... Depuis le temps que vous arpentez les champs de courses, vous avez quand même de temps en temps des tuyaux...
André
- Bien sûr, bien sûr, j'ai des tuyaux, c'est quand même le triomphe de la combine... Mais quand j'ai un bon tuyau, hein, vous allez pas croire que je suis assez con pour le donner à des millions d'auditeurs...
Gerber
- Ca ferait baisser la côte...
André
- D'abord...
Gerber
- Nous abordons maintenant le chapitre des affaires sociales...
Un journaliste
- Eh bien dans le domaine des affaires sociales, le problème de la main d'oeuvre étrangère, surtout composée comme vous le savez de Portugais, d'Arabes et de Yougoslaves, préoccupe toujours beaucoup le ministre du Travail... Notamment dans le secteur du bâtiment où l'emploi d'ouvriers non qualifiés est à la base de nombreux accidents...
Gerber
- De nombreux accidents d'ouvriers ou de nombreux accidents dans la construction ?...
Un journaliste
- Non des accidents dans la construction... Les accidents d'ouvriers ils s'en foutent...
(Dans la Rolls de Louis-Marcel Thulle)
Le visiteur n°2
- ... et pour que nous soyons enfin tranquille, vous me comprenez mon cher président ?...
Thulle
- Je vous comprends mon cher président... (à son chauffeur) Arrêtez !...
(La Rolls de Louis-Marcel Thulle s'arrête... Le "cher président" s'engouffre dans une DS... Un peu plus loin, la Rolls stoppe à côté d'une vieille Peugeot)
Thulle
- Arrêtez...
(Un responsable syndical monte à côté de Louis-Marcel Thulle)
Thulle
- Un cigare ?...
Le syndicaliste
- Non, non, merci...
Thulle
- C'est un pur Havane... Il vient directement de Cuba...
Le syndicaliste
- Dans ce cas... Alors j'voudrais vous dire... Enfin, je voulais vous dire... On commence à en avoir plein les bottes de votre Gerber... C'est bien beau de démolir les produits mais si les usines ferment... Ah les copains maintenant ils se marrent mais quand ils seront chômeurs... C'est qu'on en parle dans les cellules...

(Retour au journal)
Gerber
- Le Congrès de la publicité à Bruxelles a désigné les trois meilleurs emplacements publicitaires du monde... Alors, premièrement la Tour Eiffel, deuxièmement la pyramide de Khéops, troisièmement la statue de la Liberté... Ringeard
- Y en a d'autres... Y a le mausolée de Lénine...
André
- Le tombeau du soldat inconnu...
Un journaliste
- Y a la page de garde des pensées de Mao... Oui, la Bible...
Ringeard
- Y a les pigeons de Venise aussi...
Gerber
- Faut regarder avec des jumelles aussi... Non y a une emplacement qui est formidable... C'est le bandeau de Moshe Dayan...Il est photographié partout...
André
- Ca fait de la publicité à l'oeil...
Gerber
- Je crois qu'on peut rien ajouter après ça... On envoie un petit peu de musique et une page de publicité...
Ringeard
- D'ailleurs voilà Véronique qui nous apporte ses nouveaux tests... Qu'est-ce que vous avez testé aujourd'hui ma petite fille ?...
(Sortant du studio, Gerber rejoint madame Thulle à la régie)
Mme Thulle
- Vous vous amusez bien ?...
Gerber
- Ben oui ça va... T'as eu ?...
Le réalisateur
- Ben non justement... On avait une ligne pourrie sincèrement et ça s'arrange pas... J'envoie une disque...
Gerber
- Oui parce que là ils vont parler des heures... (à madame Thulle) Et vous ?
Mme Thulle
- Moi ?
Gerber
- Vous vous amusez ?...
Mme Thulle
- Quand je vous écoute oui... Mais parfois je tremble de peur...
Gerber
- Pour qui ?
Mme Thulle
- Ne plaisantez pas... Je parle très sérieusement... Votre conception de la radio n'est pas partagée par tout le monde... Soyez prudent...
(Dans la Rolls de Louis-Marcel Thulle)
Le syndicaliste
- ... ce que je vous dis moi, c'est qu'il faut virer ce suppôt de l'impérialisme, cette crapule fasciste, ce détritus faisandé de la bourgeoisie décadente... Vous voyez ce que je veux dire ?...
Thulle
- Je vois très bien mon cher président... (au chauffeur) Arrêtez !...
(Le syndicaliste descend de la Rolls, regagne sa voiture... La Rolls repart, roule un instant et puis s'arrête près d'une voiture de sport. Louis-marcel Thulle descend et rejoint deux prostituées)
Prostituée n°1
- Bonjour gros nounours... Ca va ?
Thulle
- Ca va...
Prostituée n°1
- Qu'est-ce qu'on fait ?
Thulle
- Comme d'habitude...
Prostituée n°1
- Cochon !...
(A la radio, plus tard, Ringeard arrive en rampant...)
Ringeard
- Ah !... Oooooh !...
Gerber
- Qu'est-ce que vous avez testé encore ?...
Ringeard
- J'ai testé les éléments pour chiens Gai Toutou... Je me sens pas bien...
Gerber
- Il faut immédiatement annuler la campagne Gai Toutou parce que si c'est pas bon pour lui, c'est pas bon pour les chiens...
(Un attroupement se forme)
Jolin
- Qu'est-ce qui se passe ?...
Gerber
- Mais enfin, il a testé...
Le docteur (qui fend l'attroupement)
- Chaud devant !... Chaud devant !... Chaud devant !... Froid !...
(Le service du courrier)
La responsable
- Bon, allez les filles, faut distribuer le courrier !...

(Les filles s'alignent... Survient Gerber qui met une petite tape sur chaque paire de fesses)

La responsable
- Ben, et moi ?...
(Dans le bureau de Gerber)
Gerber
- Bonjour madame...
Mme Plantié
- Bonjour...
Gerber
- Ah !... Ben v'là aut' chose !... Faites voir, vous êtes formidable !... C'est les produits de beauté qui vous ont rendu comme ça ?...
Mme Plantié
- Ah non, c'est l'amour... J'aime Jolin, monsieur Gerber...
Gerber
- Allons bon... (il remarque le gadget à deux boules sur son bureau) Qui c'est qui m'a collé cette cochonnerie encore ?... Il le sait ?
Mme Plantié
- Non... J'ai pas osé lui dire... Justement je comptais un peu sur vous... Vous avez tellement déjà fait pour moi...
Gerber
- Je vais arranger ça...
Mme Plantié
- C'est vrai ?...
Gerber
- Tiens, tenez je vous fais un cadeau...
Mme Plantié
- Vous êtes gentil... Au revoir...
Gerber
- Au revoir...

(Devant Radio-Plus, madame Plantié fait s'entrechoquer plus fort les deux petites boules qui explosent... Les passants continuent avec indifférence)
(Dans le bureau de Gerber)
Thulle
- Vous devriez faire attention... J'suis sûr que c'est à vous qu'on en voulait...
Gerber
- Ou à vous... Tout le monde sait que c'est vous qui êtes un fan des petites boules...
Thulle
- Raison de plus pour être prudent... Sans moi, vous ne seriez rien... (montrant un dossier rouge sur le bureau) Ce sont vos projets ?...
Gerber
- Oui, ça aussi, ça va faire boum...
(Réunion des "cadres" de la radio)
Gerber
- Bon messieurs, messieurs, messieurs... Voilà la nouvelle grille qui débutera lundi... Et tout ce qu'on a fait jusqu'à maintenant c'est de la rigolade à côté de ce que l'on va faire...
Un journaliste
- On peut savoir ?...
Gerber
- Vous allez savoir, je vais vous le dire... Seulement... Je vous demande d'en parler à personne... A personne c'est compris...
(Chez Louis-Marcel Thulle)
Thulle (montrant le dossier rouge des projets de Gerber)
- J'ai lu ça avec le plus grand intérêt... Vous songiez réellement à mettre ce plan à exécution ?...
Gerber
- Ben on aurait rigolé non ?...
Thulle
- Faire la révolution c'est prendre le pouvoir et la richesse, pas les anéantir...
Gerber
- La richesse et le pouvoir j'm'en fous moi...
Thulle
- Alors vous êtes un enfant... Notre siècle est celui de l'efficacité... Y a pas d'place pour les rêveurs pas plus que pour les Christs de pacotille... Vous vous êtes pris pour le Jésus des temps modernes... N'est pas le Messie qui veut !... D'ailleurs Jésus est mort sur la croix, il ne faut pas oublier ça... Ah ! Vous auriez une fin comme la sienne !... Martyr et glorieux ! Oh je vous aurais préparé un très bel avenir à la postérité... J'aurais fait installer votre buste dans le hall de notre station... Deux ou trois ministres et un archevêque l'auraient inauguré à mes côtés et j'aurais prononcé sur votre compte de très belles paroles... Malheureusement, vous avez renoncé à la logique de votre destin... C'est maladroit... Maladroit et regrettable... C'est dommage...
Gerber
- Mais, euh... La logique de mon destin c'était les petites boules ?...
Thulle
- C'était...
Gerber
- Et votre exécuteur des hautes oeuvres ?... Lequel des douze ?...
Thulle
- Celui qui m'a apporté ça... Celui qui demain prendra votre place...
Gerber
- Question à cent balles...
Thulle
- Vous avez trente secondes pour répondre...
Gerber
- C'est vingt-neuf de trop... C'est mon meilleur ami, c'est mon frère... Ce brave Jolin...
Thulle
- Comment avez-vous deviné ?...
Gerber
- Ben la logique du destin justement... Vous savez, tout Jésus a son Judas...
Thulle
- Oui... Enfin vous aurez eu une fin moins grande que celle du Christ... mais tout de même plus intéressante... Je vous ai préparé un chèque... un gros chèque !... Et je ne le signerai pas d'une croix... Non... Tâchez d'aller planter vos choux le plus loin possible... Demain, Jolin vous remplacera... C'est un con d'accord... mais c'est un bon con... Grâce à lui Radio-Plus retrouvera une seconde jeunesse et moi je pourrais me remettre à flot parce que vous m'avez foutu dans un drôle de merdier avec vos salades publicitaires... Toutes les actions de mon groupe sont descendues en flèche... La banque Vulcain-Larrigade essaye de me faire racheter demain matin mais je ne suis pas encore battu... Il suffit que je tienne jusqu'à lundi... Alors j'aurai de l'argent frais, je pourrai tout relancer... Les imbéciles ! Ils se figurent que je vais tout vendre ?... Vendre, moi ?!... Ah, ils me connaissent mal...

(Thulle sort... Le téléphone sonne... Gerber décroche)
La voix au téléphone
- Allo président ?... Ici Laubier, ça va pas... Les cours ont encore baissé de deux points... Il faut vraiment se décider tout de suite... Qu'est-ce qu'on fait ? Nous tenons ? Nous vendons ?...
Gerber
- Vendons !...
(Gerbert raccroche... Thulle revient et donne le "gros" chèque à Gerber)
Gerber
- Merci !...
Thulle
- Bonne chance !...
Gerber
- A vous aussi !...
(Gerber quitte l'hôtel particulier de Thulle... La femme de celui-ci l'attend dans la rue)
Gerber
- Alors ?...
Mme Thulle
- Je vous attendais...
Gerber
- Pourquoi ?...
Mme Thulle
- Je pars avec vous... Plus besoin de jouer maintenant...
Gerber
- Jamais... Allez, rentrez... C'est maintenant qu'il va avoir besoin de vous ?...
(Gerber part seul)
(Au croisement de deux rues, Gerber s'arrête devant une statue de Christ en croix)

Le Christ
- C'est dur hein ?... Non, je dis c'est dur... Hein ?
Gerber
- Oui, c'est très dur !


Générique de fin

Chanson :

TOUT LE MONDE IL EST BEAU...


Tout le monde il est beau
Tout le monde il est gentil

Quand les pavés volent comme de grands oiseaux gris
En plein dans la gueule des flics aux regards surpris
Quand ça Gay-Lussaque, lorsque partout on entend
Le bruit des matraques sur les crânes intelligents...
Dans la douceur de la nuit
Le ciel m'offre son abri
Et je pense à Jésus Christ
Celui qu' a dit

Tout le monde il est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil

Quand dans le ciel calme, l'avion par-dessus les toits
Verse son napalm su le peuple indochinois
Quand c'est la fringale, lorsqu'en place d'aliments,
Les feux du Bengale cuisent les petits enfants
Dans la fraîcheur de la nuit
Je me sens tout attendri
En pensant à Jésus Christ
Celui qu' a dit

Tout le monde il est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil

Quand ça jordanise, quand le pauvre fedayin
Copie par bêtise la prose à monsieur Jourdain
Quand le mercenaire ne songe qu'à vivre en paix
Il se désaltère avec un demi-Biafrais
Dans la tiédeur de la nuit
La prière est mon appui
Car je pense à Jésus Christ
Celui qu' a dit

Tout le monde il est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil
Le monde est beau
Tout le monde il est gentil