mercredi 19 août 2015

Le tournage des Tontons flingueurs et la scène de la cuisine.



     S'il y a bien un film français devenu culte, c'est bien évidemment Les Tontons flingueurs, réalisé en 1963 par Georges Lautner, sur des dialogues de Michel Audiard. Le film est en réalité une adaptation (très libre) du roman d'Albert Simonin Grisbi or not grisbi. Répliques ciselées, timing parfait, casting hors-norme, rien ne manque à ce film (qui faillit s'appeler Le terminus des prétentieux) devenu au fil du temps un monument du cinéma français. Et la scène de la cuisine en est le point culminant.

L'ambiance du tournage
Happy beurzday to you...
     Le tournage des Tontons flingueurs débute le 8 avril 1963, en région parisienne.  Cependant, en ce printemps 1963, une grève paralyse la plupart des productions cinématographiques. Si plusieurs scènes sont filmées en studio, à Epinay, les événements obligent la production à tourner l'essentiel des scènes en décors naturels. Toutes les scènes censées se dérouler dans la villa du mexicain et de sa fille Patricia vont ainsi être tournées dans une seule et même propriété de Rueil-Malmaison appartenant à la Gaumont. C'est un hôtel particulier, proche du château de Rueil-Malmaison. Acteurs et techniciens tournent pendant quarante jours dans cet hôtel particulier aujourd'hui remplacé par un parking (si ce n'est pas honteux...). Le budget est serré, le temps leur est compté, et la Gaumont, à l'exception d'Alain Poiré, doute de ce projet farfelu. Heureusement, l'ambiance est excellente, à la fois studieuse et détendue. « Il y avait une forme d'émulation entre les vedettes, confie Georges Lautner. Tout en bossant sérieusement, on s'est vraiment marré ! »

     Jean Gabin fut un temps pressenti pour tenir le rôle de Fernand Naudin. Il était cependant momentanément fâché avec Michel Audiard (depuis Mélodie en sous-sol), sans compter qu'il posa de telles exigences (il souhaitait imposer son équipe de techniciens) qu’il ne fut pas retenu. Le choix se porta un temps sur Paul Meurisse alors connu pour son rôle du Monocle, mais celui-ci déclina le rôle pour raisons de santé. Il apparaît toutefois quelques secondes dans la scène finale dans ce même rôle du Monocle. C'est finalement Lino Ventura qui héritera du rôle.
     Lino Ventura, la grande vedette, a d'abord hésité à rompre avec son image d'acteur sérieux, voire sombre, mais il se sent vite à l'aise dans la peau du "gugusse de Montauban". D'autant qu'il sympathise avec Venantino Venantini, son "porte-flingues" attitré. « Lino était de Parme, moi de Rome, se souvient ce dernier. On discutait du pays, de la bonne bouffe. Son accent m'amusait, il parlait comme les gens de chez lui, avec des 'ch' dans la voix ! » Chaque midi, l'équipe déjeune au bistrot du coin. Un moment sacré. Surtout pour Ventura, fine gueule et cordon bleu, dans le scénario comme dans la vie. « Lino adorait cuisiner, confirme Venantini. Quand le menu ne lui convenait pas, il apportait sa gamelle, à la manière d'un ouvrier de la Fiat ! »

Et … Et … Et … 50 kilos de patates, un sac de sciure de bois,
il te sortait 25 litres de 3 étoiles à l’alambic ; un vrai magicien
le Jo. Et c’est pour ça que je me permets d’intimer l’ordre à certains
salisseurs de mémoire qu’ils feraient mieux de fermer leur claque merde !
     Francis Blanche, beaucoup moins réservé, raconte des histoires drôles, verse toutes sortes de substances dans les verres des copains. L'homme est drôle, généreux, imprévisible. « Francis avait des moments de folie, de démesure, explique Claude Rich. On le voit lorsqu'il agrippe le poignet d'une jeune fille qui veut prendre des billets sur la table. Il crie : 'Touche pas au grisbi, salope !' et un reflet de mort passe dans ses yeux ! »

     Bernard Blier, également « porté sur la déconnante », selon Georges Lautner, a d'autres soucis en tête. Notamment celui de croiser le poing de Ventura. Mac Ronay, "première gâchette" chez Volfoni : « Un jour, en début de tournage, Blier est venu me voir. Il avait l'air préoccupé et m'a confié : 'Dis, donc, Mac, je le sens pas ce film, Lino est très nerveux. J'ai la trouille qu'il me file une vraie châtaigne ! Il l'a déjà fait deux fois, tu sais !' Je l'ai rassuré : 'Te bile pas, il a dû répéter !', mais cela ne l'a pas empêché d'aller voir Lino et de lui lancer en plaisantant : 'J'te préviens, j'me laisserai pas faire !' »
     Finalement, Des "châtaignes", Bernard Blier, alias Raoul Volfoni, en prendra trois. Fausses, bien sûr, mais dignes du meilleur comique de répétition. A chaque fois, il se trouve dans sa péniche-tripot. On frappe à la porte. Il ouvre. Ventura cogne. Volfoni s'écroule. Musique !

La scène de la cuisine a failli ne pas exister.
Touche pas au grisbi, salope !
     Michel Audiard trouvait la scène de la cuisine inutile et elle faillit bien ne jamais exister, mais Georges Lautner tient par-dessus tout à la scène de la beuverie au cours de laquelle les quatre hommes, nostalgiques, évoquent le milieu d'antan. "Je voulais faire référence à un passage de Key Largo, de John Huston", précise le réalisateur, Key Largo étant un film noir dans lequel on voit des gangsters accoudés à un bar évoquer avec nostalgie le bon temps de la prohibition.

     Dans l'hôtel particulier de Rueil-Malmaison, la cuisine est à peine assez grande pour accueillir une caméra (en réalité, à peu près deux mètres sur trois). Cela ne sera pas sans problème pour tourner la scène mythique. « Dans cette pièce, je n'avais aucun recul et j'étais dans l'impossibilité de faire le moindre mouvement de caméra. Contrairement à ce qu'on a pu croire, cette scène a nécessité beaucoup de concentration, plusieurs jours de tournage et surtout, aucun alcool. »
Aucun alcool ? Jean Lefebvre ne pouvais sans doute pas en dire autant, puisque la bande de farceurs lui avait joué un mauvais tour en lui préparant pour sa prise, bien évidemment sans le prévenir, une mixture explosive à le faire pleurer. Eh oui, les larmes de Lefebvre étaient authentiques... La scène devint ainsi de plus en plus réalistes ce qui explique aussi le nombre de prises de vues nécessaires à cette scène.

     Pour la petite histoire, quand Lino Ventura rentrera tard le soir des studios après le bouclage de la fameuse scène, il ne put s'empêcher de réveiller son épouse pour lui dire « On vient de tourner la scène du siècle ! » et lui raconter, totalement mort de rire, sans omettre l'anecdote du verre de Jean Lefebvre.

Voir aussi :
- Le réalisateur Georges Lautner est mort.
- Un coffret collector à l'occasion des 50 ans des Tontons Flingueurs
- Script intégrale des Tontons Flingueurs
- Anecdote : L'origine du film Ne nous fâchons pas

6 commentaires:

  1. Un film inoubliable, la scène de combat entre Lino Ventura et Henri Cogan rappelle les combats de catch d'antan. D'ailleurs Cogan avait à l'"poque cassé le bras -je crois- à Ventura et celui-ci se vengea durant le film en lui refilant une manchette d'anthologie.
    Merci pour nous rappeler ce film inoubliable.

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  2. iconic...du grand cinéma Francais merci...

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  3. merci pour ces détails plus qu intéressants

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  4. Un film que j'ai vu maintes fois... Je le regarderai encore et encore.

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  5. Un Film qui fait parlé de lui inoubliable, une sensation, j'ai vu se Film plusieur foi Car a Relique je rigolai tellement que je ne pouvai pas comprendre ce qui ce disait

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